
Le rideau vient tout juste de tomber sur les premières ferias du Levante : les Fallas de Castellón et la Magdalena de Valencia. Même s'il s'agit de l'inverse et que la confusion était voulue, ces deux arènes ont comme point commun le fait de se situer dans la réalité à la même échelle qu'est la Segunda B (troisième division du football espagnol). Oui messieurs, nous avons bien assisté durant ces quinze jours aux Fallas* de votre parangon de taureau de combat, celui dont vous voulez à tout prix qu'il mette la tête et qu'il prenne ses cent passes, tant pis pour la faiblesse et la sosería.
Messieurs, vous avez cramé le taureau de combat comme il se doit, vous avez mis en exergue son côté chétif, sans trapío, sans caste et de peu de forces, celui qui fait pitié à l'aficionado lambda (ce dernier n'étant plus majoritaire dans les gradins) mais qui enrichit votre compte en banque.
Malgré tout, vous restez quand même très sereins pour l'avenir de la tauromachie en Catalogne, une centaine de kilomètres au Nord du Levante. Vous, capitalistes de la tauromachie, et vous autres, fiers membres de « l'AFP taurine », vous prétendez gagner la partie contre l'abolition à Barcelone. D'un côté je vous comprends, car les antagonistes sont médiocres. En effet, à quoi bon vouloir abolir la tauromachie à la Monumental de Barcelone (seule arène de Catalogne en activité) où seule une soixantaine de taureaux sera abattue cette année ? Alors que de manière réaliste, on pourrait se demander combien de bêtes constituent l'approvisionnement des Mac Donald's catalans chaque jour. L'action des antis est donc paradoxale, et il s'agirait avant tout de noyer à jamais l'un des symboles de l'Espagne.
Quant à vous messieurs, vous donnez l'impression de vous mettre au diapason de la médiocrité. Votre théorie est belle : « la corrida est un combat entre deux acteurs : le taureau et l'homme », et partout vous faites fleurir des drapeaux catalans avec un taureau de combat comme pièce centrale, mais tout cela ne reflète pas la pratique. Il y a quelques semaines, les cartels de la temporada barcelonaise ont été révélés, et c'est à ce moment-là qu'on a pu s'apercevoir qu'il y avait un gouffre entre les belles paroles et la triste réalité. Passons sur la corrida de rejoneo et sur les novilladas qui feront malheureusement tout au plus un dixième d'arène.
Barcelone est actuellement menacée par un pseudo-débat parlementaire, on aurait alors pu penser (de manière utopique) que c'était le moment pour présenter dans cette Monumental en péril des choses que l'on ne verrait guère ailleurs. Cela aurait de la gueule un Juli avec des Escolar, un Morante avec des Palha, un José Tomás avec des Dolores Aguirre... ce qui attirerait certainement plus de monde et Barcelone aurait un tout autre visage. Malheureusement, il en sera ainsi pour ce que vous osez encore appeler « Corrida de Toros » :
Dimanche 25 Avril : Bovins de Juan Pedro Domecq pour Jesulín de Ubrique, Manuel Díaz « El Cordobés » et David Fandila « El Fandi »
Dimanche 16 Mai : Bovins de San Miguel pour Eugenio de Mora, Antonio Barrera et Serafín Marín
Dimanche 6 Juin : Bovins de Garcigrande pour Finito de Córdoba, Morante de la Puebla et Julián López « El Juli »
Dimanche 4 Juillet : Bovins de Carmen Lorenzo pour Enrique Ponce, Miguel Angel Perera et Cayetano Rivera Ordóñez
Dimanche 18 Juillet : Bovins de Victoriano del Río pour José Pedro Prados « El Fundi », José Tomás et José María Manzanares
Dimanche 25 Juillet : Bovins de Torrehandilla pour Francisco Rivera Ordóñez, David Fandila "El Fandi" et Alejandro Talavante
Inutile de commenter une à une ces six affiches car on peut simplement les qualifier en quelques mots : digne d'un enterrement ! Mais il n'y a pas de quoi s'inquiéter, car les élevages commerciaux seront là, envoyant à cette Monumental blessée dans son coeur les septième ou huitième lots de leurs camadas, la toréabilité sera là, le toreo moderne aussi, les bajonazos d'effet rapide précipitant les fortes pétitions d'oreilles également. Cela fait pourtant quelques temps que la tauromachie n'est plus dans cette "plaza de toreros", et le blason ne sera probablement jamais redoré. Il ne s'agit pas d'un discours fataliste, mais simplement de la réalité.
Avant chaque paseo aux arènes de Céret retentit "Els Segadors" l'hymne catalan, au coeur de cette magnifique mélodie il y a un passage qui dit "Que tremoli l'enemic en veient la nostra ensenya". Mais il n'y a pourtant pas de quoi être émerveillé devant cet écusson de la tauromachie aseptisée. Ainsi, que peut-on perdre à Barcelone alors que la tauromachie n'y est plus que poussière ?
Florent
* : incendie
(Photo : Cadaqués)