"MÉFIEZ-VOUS DE LA
CONTREFAÇON"
Rangez
votre cahier de vacances. Optez pour une soirée entre amis.
Les
verres s'enchaînent, à cadence plus ou moins élevée, et vous
prend alors l'envie d'un jeu à la con. Ce sera un quizz ! Les
questions se suivent... Et... Et puis celle-ci :
...
Le premier qui citera le nom d'un élevage de toros portugais :
-
Palha !
-
Palha !
Des
réponses identiques, téléphonées. 98% de chances pour que les
bestiaux actuellement propriétés de Folque de Mendoça soient les
premiers à venir à l'esprit. Au Portugal, cet élevage est le moins
"sorti des sentiers battus". Et à Céret, le dimanche 14
juillet au matin, c'était un lot de Palha...
Déjà,
il y avait de quoi repenser à l'an dernier, lorsque d'inhabituels
organisateurs à Céret avaient désiré monter une corrida de Prieto
de la Cal. A écouter certaines voix dissidentes à ce projet, on
aurait dit qu'un sort allait s'abattre sur les arènes de Céret de
manière impitoyable. De la contrefaçon déversée par litres sur
l'édifice inauguré en 1922 ! Et au final... Une course intéressante
de Prieto !
L'hiver
suivant, l'ADAC annonçait qu'il y aurait un lot de Palha pour Céret
de Toros ! Ce fut un choix, certes controversé, mais un choix quand
même. Il appartenait ensuite à l'aficionado de se rendre ou non à
une telle course. A prendre ou à laisser.
Il
n'empêche que la présence des Palha de Folque de Mendoça à Céret
avait de quoi étonner, car dans l'arène du Vallespir, le Palha
historique, c'est celui de Don Fernando avec ses toros multicolores.
Le lot de Palha choisi était également une surprise car il y a tant
d'élevages encore inédits au Portugal...
En
fin de compte, les Palha combattus le 14 juillet à Céret n'avaient
rien d'une contrefaçon, il faut le préciser d'emblée. En revanche,
ils étaient à contre-style de l'endroit, c'est une certitude. Le
lot avait été remanié après divers incidents au campo et dans les
corrales.
Plus
terrifiants en photos que dans le ruedo, les pensionnaires du père
Folque étaient bien présentés, proportionnés, et armés. Ils
eurent un certain allant à la pique, en restant malgré tout plus
bravitos que braves, et furent il faut le dire très mal piqués !
On
ressentait au-delà des tiers de piques mal exécutés que l'élevage
de P+ traversait une période de changements, avec une tendance à la
modernité et à la civilisation. Ces dernières années, voir des
toros de Palha, c'était devenu comme une loterie. On ne pouvait
jamais savoir à l'avance ce que cela allait donner. L'imposante et
terrible corrida de Bayonne en 2008 restera un grand souvenir... Si
lointain...
Incombant
à Iván García, Trovoado, le premier Palha de la matinée,
avait tout du toro pour vedettes. D'une noblesse infinie et peu
motorisée, je pensais en le regardant à mon ami David Duran. Cet
hiver, il écrivait en fantasmant son envie de voir Morante de la
Puebla chef de lidia à Céret devant les Palha. Avec ce premier
toro, cela aurait très bien pu être le cas ! C'était un toro pour
Morante ! Mais c'est Iván García qui l'a affronté, longuement...
très longuement.
García
toucha un autre toro permettant de quitter les arènes avec un panier
d'oreilles. Quita-Miedos (littéralement
"qui enlève la peur", ce qui veut tout dire...), le
quatrième, était un Palha lourd, âgé de six ans, bravito en trois
piques diversement dosées, puis d'une grande noblesse. Accusant son
manque de pratique actuelle, le blond García est resté sur le
voyage. Tour de piste imaginaire pour le Palha, tandis que le torero
quittait Céret les mains vides...
Ce
matin-là, Manuel Escribano est passé quasiment inaperçu. On l'a
seulement vu briller le temps d'un violin dans les cornes et d'un
quiebro. Pour le reste, il ne s'éternisa pas face à un premier très
vite éteint et un autre compliqué, brusque et court de charge.
Le
troisième Palha, bas et très armé, désarçonna le picador,
s'avérant ensuite noble et mobile. La faena d'Alberto Aguilar face à
lui aura été plutôt courte, en profitant de la noblesse offerte.
Une petite oreille tomba dans l'escarcelle d'Aguilar après une
entière verticale.
Enfin
Promessa, le dernier Palha
qui n'était pas prévu dans le lot initial, représentait un cas
d'école en matière de pique assassine... Car la seconde pique
hyper-trasera que lui administra Juan Carlos Sánchez causa des
dégâts imminents. On vit Promessa
vaciller, et s'arrêter net. Alberto Aguilar eut beau prendre ensuite
le public à témoin face à un toro arrêté et décomposé, le mal
était fait.
Le
tiers de piques n'est pas une formalité lors duquel peu importe
l'endroit où le toro est châtié... A cet instant-là du combat, il
faut souvent se méfier de la contrefaçon.
Florent
(Image
: "Político", n°719, negro, né en septembre 2008, de
Palha. Écarté du lot (indication sur le sorteo) en raison d'un
voile à l'oeil)