L'INCONTOURNABLE
Quand chaque année vient
l'heure de la novillada de Saint-Perdon, le crépuscule de l'été
débute. Les touristes ayant fait du littoral landais leur
villégiature commencent à s'en aller. C'est la fin du mois d'août,
et l'été se fait plus frais. Parfois, la pluie s'invite et ce beau
Sud-Ouest revient à la vie normale. Ceux qui s'en vont enterrent ou
ferment leurs cahiers de vacances. Les enfants eux, optent pour
d'autres cahiers et classeurs, scolaires cette fois-ci. On commence à
songer aux stylos, et aussi à la gomme, au Blanco et au Tipp-ex,
pour effacer les erreurs et inepties.
Des putains de cahiers et
classeurs, c'est ce qui aura coûté l'existence aux merveilleuses
arènes de Saint-Perdon. Un après-midi de juin 2009, des enfants
décidèrent de mettre le feu à leurs outils scolaires. Chacun
connaît la suite. Heureusement, il n'y eut aucune victime humaine.
Mais la brûlure laissée à cette occasion ne s'effacera jamais.
Courageux sont les
organisateurs de Saint-Perdon, d'avoir continué à organiser leur
traditionnelle course coûte que coûte. Cette année, c'était le
trentième anniversaire de leur entreprise aficionada, depuis leur
première novillada sans picadors en 1983.
La brume s'était emparée
des routes landaises ce dimanche 1er septembre au matin. Les
pensionnaires de Miura, Palha, Pilar Población, Guardiola Fantoni,
Murteira Grave et Pedraza de Yeltes auraient eu belle gueule dans
l'arène boisée et rectangulaire de Saint-Perdon. Mais pour la
cinquième fois, cette course avait lieu au Plumaçon.
On parlera toujours de
Saint-Perdon, car c'est une date incontournable dans le calendrier
taurin. La novillada-concours se déroulait donc à dix kilomètres
de là, dans les arènes de Mont-de-Marsan. Passage du village à la
ville, de l'arène rectangulaire et pittoresque au grand rond du
Plumaçon. Les anciens et moins anciens auraient certainement aimé
voir cette course sur la piste des arènes de Saint-Perdon.
Au programme, six
novillos d'une présentation irréprochable, et beaucoup de sérieux
dans l'organisation de la course. Des élevages prestigieux et
intéressants à voir. Le concours débuta avec un Miura charpenté
et très noble dont le novillero Manuel Dias Gomes ne sut
s'accomoder. Il continua avec un magnifique exemplaire de Palha, qui
aurait mérité de recevoir le prix. Hélas, il ne put aller a más.
Ce novillo encasté fut fortement (et mal) piqué en trois fois, mais
c'est bien lui qui démontra le plus de bravoure lors de cette
matinée. Noble et encasté, il finit par s'éteindre dans la muleta
d'un Rafael Cerro très peu inspiré. Ovation à la dépouille de ce
"Tapado" de Palha.
Dans ce panel de novillos
hétéroclites, on eut aussi deux cornus moins en vue. Tout d'abord
le Guardiola Fantoni sorti en quatrième position, très typé
Villamarta, mais juste de forces et noble à l'extrême limite de la
sosería. Il y eut également le Murteira Grave, un colorado faible
et manquant de race.
Ce matin-là, on vit
également l'une des plus grandes prestations de novillero de la
saison. C'était celle de José Garrido, en grande forme. Dans un
habit tabac et or, le jeune n'a commis aucune erreur face à son
premier adversaire de Pilar Población, haut, noble mais distrait, et
qui regardait souvent l'homme. Garrido a réalisé face à lui une
belle faena des deux côtés, avec de superbes détails à chaque fin
de série. Il termina par une épée engagée.
Et si c'est le novillo de
Pedraza de Yeltes qui remporta le prix, la responsabilité de José
Garrido y était pour beaucoup. Ce novillo imposant provoqua deux
chutes de la cavalerie, davantage par maladresse de l'équipage que
par la puissance de l'assaut. Ensuite, c'était un novillo noble,
mobile et exigeant face auquel Garrido a confirmé sa verve. Deux
oreilles pour le novillero, tour de piste et prix pour le Pedraza de
Yeltes. C'est ainsi...
Au cours de cette matinée
riche, on remarqua aussi beaucoup d'autres choses, comme la
prestation d'un jeune et prometteur banderillero portugais, Claudio
Miguel, déjà remarqué à Hagetmau un mois auparavant.
Ce rendez-vous est
probablement l'une des meilleures choses pour mettre un terme à ses
vacances. En tout cas, il y aura toujours en toile de fond les
superbes petites arènes de Saint-Perdon.
Florent
(Image de Laurent
Larroque : Les arènes de Saint-Perdon)