Il existe tant de
plaisirs simples et inexplicables. L'été, en prenant tôt le matin
le train en gare de La Rochelle, sur les coups de six, sept ou huit
heures, j'aime admirer le lever du soleil. A quelques kilomètres
après la gare, le train Corail longe une zone littorale sur la
commune d'Aytré-Plage. Au travers de la vitre, à l'horizon, on peut
apprécier la vue des impressionnants cargos du Pertuis.
Le Pertuis, c'est le
Pertuis d'Antioche, curieux nom donné à la zone maritime située
entre le continent, l'île de Ré et l'île d'Oléron. Au loin, on
voit donc les immenses navires (souvent plus de cent mètres de
long), fendre l'océan, au petit matin, avec en fond sonore le seul
bruit de la locomotive et des rails. Mais il est très tôt, et le
sommeil revient. De toute façon, Aytré-Plage est le seul endroit
sur cette ligne ferroviaire où l'on peut voir l'océan. Le reste,
c'est une campagne sans reliefs tout au long du trajet.
Ce week-end, je n'ai pas
eu l'occasion de regarder les cargos du Pertuis. En montant dans le
train à La Rochelle, un jeune homme est venu me parler, paumé par
une semaine mouvementée. Il se trouvait là, dépité mais désirant
à tout prix rejoindre sa contrée natale. Marseille.
Bavard, mais ni
désagréable, ni antipathique, il énumérait aventures et
calvaires. Espiègle, j'ai alors mesuré que j'aurais pu (pourquoi
pas) être une bonne assistante sociale.
Mais ce matin-là,
c'était trop tard. J'ai su que je ne verrais pas les cargos, et
n'entendrais pas le bruit des rails et de la locomotive avant de me
rendormir.
Chaque référence à
Marseille se terminait par un "Mais c'est un
autre monde" de la part de mon interlocuteur. Tout est
apparement différent là-bas. Puis vint l'heure d'évoquer les hauts
faits d'armes.
Avec un
accent typique des Bouches-du-Rhône, il me lança froidement "Tu
connais Jacquie et Michel ?". Étant de la même génération,
je dois avouer que j'étais tout de même rassuré de voir que nous
n'étions pas des clones stéréotypés, et que nous avions tous des
parcours très différents.
Fier de
sa trouvaille, il me détaillait l'anecdote :
- "Oui,
Jacquie et Michel ! Le site internet ! Tu sais que j'apparais dans
une vidéo dedans ? Je peux te la montrer si tu veux. Tu as l'air
sympa, je peux te mettre en contact si toi aussi tu veux faire une
vidéo".
-
"Euh... non ça ira".
- "Si
tu savais frère, en venant à Marseille, les filles sont totalement
différentes d'ici, elles sont pires que des hommes, elles acceptent
tout !".
J'avais
bien compris, au fil de la conversation, qu'il s'agissait d'une vidéo
plus pornographique qu'érotique, provenant d'un site à la mode
d'après les propos de mon interlocuteur.
Après tout, à chacun sa
façon de pimenter sa vie, et à chacun ses expériences,
enrichissantes ou non. En l'occurrence, le but du jeu, paraît-il,
était de crier "Merci Jacquie et Michel"
face à la caméra à la fin des ébats.
Cela m'a
rappelé les paroles de Gainsbourg, sur un plateau de télévision,
qui dans un éclair de lucidité face à la chanteuse (et ex-actrice
porno) Catherine Ringer s'était exclamé "C'est indécent de se
faire baiser par une caméra".
J'ai peut-être du mal à
le concevoir, mais être filmé, dans de telles circonstances, pour
le seul bonheur du voyeurisme d'autrui... C'est effectivement "un
autre monde". Chacun jugera.
Les cargos à l'horizon
me manquent, et le sommeil aussi...
A Vic-Fezensac, ce
dimanche 21 septembre, le club taurin avait fait le pari d'annoncer
une novillada de Barcial. Et il a eu raison, car cela fait bien
longtemps que l'on n'a pas eu la possibilité de voir une course
intégrale de ce fer.
Au final, cette novillada
n'a pas été une réussite. Mais il n'y a cependant pas de quoi en
ressortir frustré. Vu le contexte de ces dernières années, il
était difficile pour l'élevage de Barcial (partiellement rafraîchi
avec du bétail d'origine Comte de la Corte) de présenter ne
serait-ce qu'un lot entier. Alors, au final, un novillo vraiment
intéressant sur six, cela n'est pas si mal.
Il faut primer l'audace,
même si cela peut parfois aboutir à des déceptions. C'est une
vraie loterie. Ce dimanche à Vic, les Barcial ne sont pas bien
sortis, tandis qu'au même moment à Las Ventas, il y avait une
sérieuse et intéressante corrida de Partido de Resina. Qui l'aurait prédit ?
Comme quoi, la loterie
est soit chanceuse soit capricieuse.
L'élevage de Barcial
étant tellement rare sur les affiches à l'heure actuelle, il n'y
avait pas de quoi s'attendre à monts et merveilles. La course de Vic
fut en fait une forme de non-déception.
Des six novillos,
superbement présentés, armés et aux beaux pelages, c'est le
deuxième "Muñolero", la robe la plus
obscure de l'après-midi, qui retint notre attention.
Réservé
à son entrée en piste et lors de ses trois piques, il alla a más
au cours du combat, avec au troisième tiers des charges vibrantes
sur la corne droite. C'était un novillo encasté, exigeant et
intéressant. Le vénézuélien César Valencia profita du voyage du
Barcial de ce côté, et s'aventura très peu sur la corne gauche, où
la tâche était plus âpre. La présidence, avec raison, n'accorda
pas l'oreille à Valencia après une estocade tombée au deuxième
essai.
Par le passé, les
Barcial ont parfois été très spectaculaires à la pique. A Vic ce dimanche, ce
ne fut pas le cas. Le premier fut juste de forces, maniable mais de
peu de transmission. Le troisième s'éteignit très vite. Le
quatrième, invalide, aurait dû être remplacé. Quant au cinquième,
il fit illusion en venant de loin et promptement à la pique (sans
pour autant pousser dans le caparaçon), mais se coucha deux fois par
manque de caste durant la faena.
Côté novilleros, on
remarqua que Tomás Angulo était toujours aussi fragile, puisqu'il
se découvre facilement avec la muleta, et se met dans des situations
de grand danger malgré toute sa bonne volonté et son courage. Il
devra travailler à cet égard, pour ne pas connaître à l'avenir
d'autres cogidas effroyables, comme le fut celle d'Orthez.
Vicente Soler, lui, n'a
pas confirmé cette année sa bonne saison 2013.
Le dernier novillo de
l'après-midi, "Cornicorto II", destiné à
Vicente Soler, sema la panique à son entrée en piste. Il était
manso, et ne répondait pas aux cites effectués à proximité. En
revanche, il déboulait comme une fusée sur les cibles lointaines.
Le problème de vue et ses symptômes étaient très probables.
Face à ce grand danger,
la lidia fut chaotique et la peur sembla envahir les hommes en piste.
S'il est une chose de
protester contre une tricherie ou un manque d'honnêteté, il en est
une autre de s'offusquer face à la peur. Devant ce sixième novillo
et son comportement étrange, on pouvait parfaitement comprendre
l'angoisse des hommes vêtus de lumières.
Pourtant, dans le public
(et même dans le callejón...), il y eut à la fois protestations et
insultes. Insultes envers ce qu'il se passait en piste, et sur les
gradins. On se retrouvait désemparé devant une telle situation.
C'était à ne plus rien y comprendre...
Des paroles aussi
vulgaires et superficielles qu'un "Merci
Jacquie et Michel".
Il y avait comme une
envie prenante de partir en courant devant des réactions aussi
primaires et disproportionnées. Moi qui croyais que l'afición devait s'armer de calme et de patience...
Florent