Normalement, une affiche
de corrida ne doit jamais être bâtie d'après des affinités ou
pour faire plaisir à qui que ce soit. Doivent être présents des
toreros et des ganaderías qui ont mérité leur place. Et puis, en
tauromachie, le chauvinisme n'a jamais été très bon...
Le cas de Lionel Rouff,
dit "Morenito de Nîmes", 45 ans, est un
peu différent. Sa présence sur les affiches est récurrente depuis
de nombreuses années, mais elle est secondaire, puisqu'il s'agit du
poste de sobresaliente.
Morenito de Nîmes a pris
l'alternative le 17 août 1997 aux Saintes-Maries-de-la-Mer, toros de
Viento Verde sur les pancartes, Chamaco et le vénézuélien Erick
Cortés comme compagnons d'affiche. Une alternative comme il y en a
des dizaines par saison.
Mais dans l'arène
littorale des Saintes-Maries, ce jour de 97, Morenito de Nîmes n'a
pas connu une alternative comme les autres. Plutôt un cauchemar.
Pour commencer, un toro portant le nom de "Ratero"
(mauvais présage), au comportement manso. Un début de faena
compliqué, et un coup de corne, très grave. Quatre trajectoires
dans la cuisse gauche. Le prix du sang.
Cette
blessure a dû tenir le nîmois éloigné des arènes pendant
longtemps. Il est revenu, mais les opportunités en tant que matador
se sont faites rares. Quelques corridas et des festivals. Morenito de
Nîmes a alors dû choisir la fonction de sobresaliente pour
continuer à s'habiller de lumières. Un boulot ingrat, délicat,
mais qu'il n'a jamais refusé.
Avant
lui, le sobresaliente récurrent sur les affiches françaises était
Joël Matray. Autre destin, autres cauchemars. En tant que novillero,
Joël Matray avait reçu en 1982 à Bayonne l'un des plus graves
coups de corne jamais observés en France, et dont il s'était sauvé
miraculeusement. La malédiction des sobresalientes français.
Mais
avant d'être sobresalientes, tous ceux dont on parle sont matadors
de toros. Morenito de Nîmes n'a jamais refusé, semble-t-il, la
moindre sollicitation pour être en réserve dans un mano a mano ou
un seul contre six. Que ce soit lors de corridas pour figuras, ou
d'autres beaucoup moins évidentes. En 2012 à Céret, alors que
Fernando Robleño estoquait seul six toros d'Escolar sous une tension
maximale, Morenito de Nîmes s'était avancé en piste pour réaliser
un valeureux quite par faroles.
Au
moment d'élaborer un cartel ou une feria, s'il faut garder les places
pour ceux qui le méritent, il faut également savoir être
juste. Morenito de Nîmes aurait mérité de figurer au paseo, dans
sa ville, lors de la prochaine feria des Vendanges. Sa présence
s'imposait beaucoup plus que d'autres dans des cartels sans raison,
où l'on vient même mêler toreros à pied et rejoneadores. Quoi de
mieux, aussi, que de voir ce torero (accompagné de deux vedettes ou
non) faire un dernier tour dans ses arènes, l'année où il l'a
décidé.
Pour
Morenito de Nîmes, il s'agissait probablement aussi de refermer
cette blessure d'il y a dix-huit ans, afin de terminer cette carrière
de matador bien mieux qu'elle n'avait commencé. Et parce que les
matadors de toros eux aussi ont le droit de dire au revoir...
Florent
Olé pour l'hommage !...
RépondreSupprimerEt suerte pour le reste de la temporada