C'est déjà
l'aube d'une nouvelle saison. Aussi loin que je me souvienne, c'est à
cet endroit que tout commence. A côté de ce qui au fond n'est
qu'une statue, mais qui a tout de même son importance. Une statue
qui, vingt ans plus tard, revient de temps à autres dans l'actualité
pour des raisons que l'on préférerait éviter.
Une statue
devant laquelle, de nuit, certains viennent pour balancer de la
peinture. Comme si le fait de dégrader ce monument pouvait salir
l'histoire et la légende de celui qu'elle représente. Il y a vingt
ans, je n'aurais jamais pensé me retrouver dans une époque où
souhaiter la mort de quelqu'un, ou s'en réjouir, serait une pratique
répandue. Le nec plus ultra d'une certaine médiocrité, dépourvue
de toute morale.
Il y a vingt
ans, déjà, on entendait dire que la corrida n'en aurait plus pour
longtemps, et qu'elle ne passerait pas le cap de l'an 2000. On disait
que Bruxelles, l'Europe, allaient faire disparaître ce champ
culturel. Vingt ans plus tard, pas mal de voyants sont au rouge, mais
pas pour la corrida qui est toujours là en France, et qui
contrairement aux messages les plus pessimistes, se porte plutôt
bien, ne serait-ce que dans son aspect global. Il n'y a jamais eu
autant de corridas dans notre pays que depuis le début des années
2000. Attention tout de même aux prix pratiqués, de façon à ce
que la corrida reste encore accessible au plus grand nombre. Non, les
voyants qui sont au rouge, ils concernent des choses du quotidien,
rendant cette époque pas forcément réjouissante. C'est le moins
que l'on puisse dire.
A Nîmes,
cette statue pourrait représenter n'importe quel torero. Dans
beaucoup d'arènes, il y a des plaques, avec des faits marquants, des
dates, des souvenirs, des noms de toreros, et parfois aussi des
statues. Celle-ci, c'est Nimeño qu'elle évoque.
La statue ne
ramènera jamais le torero ou l'homme. Même si elle n'est qu'un bien
parmi d'autres sur le domaine public, elle reste quand même une
évocation forte. Un symbole, que certains aimeraient voir
disparaître. Certains, de ceux qui se sont questionnés peut-être
un quart d'heure tout au plus dans leur vie à propos de la corrida.
A fortiori, sans connaître l'histoire de cet homme.
Quand j'ai
découvert cette statue, cela faisait deux ans tout juste qu'elle
était là. A cet âge-là, il y a énormément de choses que l'on ne
réalise pas. Souvent, les statues sont en hauteur, inaccessibles.
Celle-ci est au sol. Et elle donne envie de se passionner, de savoir,
et de connaître toute cette histoire. Quelque part, sans cette
évocation, la passion ne serait pas la même, certainement pas aussi
forte. Et elle rappelle pour toujours cette référence qui nous
rassure.
Florent