À
toi, l'ami Montois, jaune et noir dans le rugby, bleu et blanc dans
la fête. Le week-end dernier, c'était Vic, un rendez-vous
incontournable de la saison, une grande étape de cette temporada qui
continue.
De
Mont-de-Marsan, tu ne connais guère de rivalité avec Vic, ce petit
village du Gers. Je t'ai déjà entendu parler, avec une saine
jalousie, des corridas de Vic, de ses toros, de son esprit. Bien sûr,
au Plumaçon, il y a aussi de temps à autres de grandes et sérieuses
courses, même si la politique taurine y est complètement
différente.
J'ai
pensé à ce rendez-vous habituel du côté de Vic. Un fief. J'ai
pensé aussi à ces longs mois qui passent, difficiles dans les
heures tardives, à ce toro sur ta route, à ce putain de toro sur ta
route. Un toro dont j'aimerais qu'il soit refusé dans toutes les
arènes et par toutes les commissions taurines au monde. Un toro
sournois qui fout plein de coups de corne au destin : figuras,
futurs prodiges, aficionados, amis. Pêle-mêle : Antonio José
Galán, Valente Arellano le jeune mexicain, et aussi toi mon ami.
Cette
année à Vic, les toros étaient fort respectables et bien
présentés. Le souci majeur est venu des corrales, où de la pelouse
avait été mise en place il y a quelques mois. Mais la pelouse est
devenue boue, et au total, six toros pendant la feria ont perdu des
ongles de leurs sabots. Aucun d'entre eux, cependant, ne s'est affalé
au sol. Mais c'est quand même beaucoup pour cette histoire de
corrales. On aurait pu titrer "gazon
maudit".
Le
samedi soir, c'était les Baltasar Ibán, avec une corrida sérieuse,
armée, et plusieurs toros typés Pedraza de Yeltes. Une course de
premier tiers, très intéressante face au cheval. Le torero le plus
en vue, à la grande surprise, ce fut Curro Díaz. Un torero léger,
qui fait les bordures, calque un peu le modèle de Juan Mora, mais
place en tout cas des estocades fulgurantes. Je n'ai jamais été
fan, mais c'est peut-être l'un des meilleurs avec l'épée à
l'heure actuelle, et il pourrait donner des cours à certains plus
hauts gradés dans le vedettariat. Et la course d'Ibán n'a en tout
cas jamais été facile pour les toreros.
Dimanche
matin, la corrida-concours, le superbe combat du toro de Los Maños
face à Javier Cortés, le plein d'émotion. Un toro très
intéressant, exigeant, et à l'ancienne de Hoyo de la Gitana, et un
brave de chez Pedraza de Yeltes. L'après-midi, les Valdellán ont un
peu déçu. On a vu le sens de la lidia de Domingo López-Chaves, et
les très beaux gestes de José Carlos Venegas, qui s'il manque de
pratique avec un faible nombre de contrats, possède vraiment quelque
chose. Et puis, il y avait le jeune César Valencia, qui remplaçait
Lamelas, le héros de Vic. Pas de chance pour Valencia, qui a dû
être emmené à l'infirmerie après avoir été pris par le sobrero
de Valdellán, un manso qui l'attendait au coin du bois.
La
corrida de Victorino Martín du lundi avait eu beaucoup d'écho après
la corrida de Séville et le fameux indulto. Pour sûr, ni
aficionados ni toreros ne s'attendaient à une telle sortie des
Victorinos sur le sable de Vic. Des toros âgés, imposants, durs,
qui cherchaient les chevilles, chassaient les toreros pendant les
faenas, et ne permettaient aucune erreur. Paco Ureña est celui qui
s'y est le plus mis, et il a malheureusement fini à l'infirmerie.
Lundi
soir, fin de feria. À
ma gauche, sur les gradins, j'ai vu les Aturins, leurs belles
gueules, et le beau drapeau de leur afición qui flotte désormais
fièrement du côté de chez eux. J'ai espéré t'y voir aussi, assis
là-bas, près d'eux, comme chaque année.
Florent