Seigneur de Camargue.
Monsieur Hubert Yonnet, à jamais le premier.
Y'a vingt ans, s'il était
bien entendu ganadero, prolongeant ainsi la très vieille histoire
familiale, Hubert Yonnet était également le directeur des arènes
d'Arles.
Un matin de la feria de
Pâques 97, il y avait une novillada piquée de son élevage. L'un
des six Yonnet, "Carabin", fut même honoré d'un tour de
piste. Tentant crânement sa chance dans tous les instants de la
lidia, c'est le tout jeune Rachid Ouramdane, plus connu sous le
pseudonyme de "Morenito d'Arles", qui tira son épingle du
jeu et sortit en triomphe après avoir coupé deux oreilles. Les
deux autres novilleros étaient eux aussi du cru : Charlie Laloé "El
Lobo" et Gildas Gnafoua "Diamante Negro".
En France, la ville
d'Arles possède une particularité qui n'est pas anodine. C'est la
plus grande commune de l'hexagone en superficie ! Elle s'étend au
Sud jusqu'à Salin-de-Giraud, là où est justement situé le Mas de
la Bélugue, où vivent la famille Yonnet et leurs toros.
Hubert Yonnet prit la
tête des arènes d'Arles dans les années 80, et passera le témoin
à la famille Jalabert en 1999. À
bien y regarder, c'est délicat de diriger une arène comme Arles.
Être directeur de cette arène, c'est même une position sociale à
part entière.
La responsabilité est
grande, et il y a très nombreuses ganaderías sur le (grand)
territoire de la commune. Ce qui implique un nombre important
d'observateurs et de commentateurs au moindre faux-pas. Et puis, il
faut bien un jour laisser au moins une opportunité à chacun de ces
éleveurs, ne pas apparaître comme snob et égoïste.
En 2017, c'est toujours à
Arles et dans ses environs que se joue l'actualité et l'avenir des
ganaderos français. Au campo.
Trois ans après la
disparition d'Hubert Yonnet, en juillet 2014, on peut quand même
avoir quelques regrets. Celui, notamment, de voir cet immense et
authentique personnage être aussi peu cité en tant que référence,
et disparaître des mémoires progressivement. La raison, fort
probablement, c'est la réputation des toros d'Hubert Yonnet. Leur
présence, leur hauteur au niveau du garrot, et leurs cornes longues
et acérées. Leur comportement aussi, compliqué, exigeant, très
dur aussi parfois. Car il faut le reconnaître, historiquement
parlant, aller au combat face à un toro de chez Yonnet, ce n'est pas
de la tarte !
Celui qui apparaît le
plus en tant que référence aujourd'hui pour les jeunes ganaderos
français, c'est plutôt Robert Margé, lui aussi originaire de
Camargue. Certainement parce que Robert Margé a pour sa part réussi
autre chose encore, celui de voir des toreros vedettes (notamment
Ponce à Palavas) triompher face aux toros de son fer.
Peut-être
qu'aujourd'hui, l'envie de voir des figuras être à l'affiche devant
ses toros est plus répandue que celle d'avoir des toros de public,
sérieux, encastés, exigeants, et qui plaisent aux aficionados purs
et durs.
Mais il n'est pas
vraiment utile de comparer les trajectoires d'Hubert Yonnet et de
Robert Margé, avec pour chacun des mérites différents, et surtout,
des destins singuliers.
Hubert Yonnet a avancé à
une période où les espagnols rigolaient (jaune tout de même) en
évoquant les toros français. Comme quoi il pouvait y avoir en eux
des résidus de sang Camargue, avec les cornes pointant vers le ciel,
et un instinct douteux. Cela fait pourtant un moment qu'il n'y a plus
de toros croisés Camargue, et que la France possède son propre
patrimoine ganadero.
Celui d'Hubert Yonnet
avec ses toros d'origine Pinto Barreiros. Et ce destin incroyable.
Car l'on retient la réputation des "durs" de la Bélugue,
mais il ne faudrait quand même pas oublier "Montenegro" en
1981 à Saint-Sever, "Montecristo" à Arles dans les années
90, "Pescaluno" (novillo gracié) en 2002 à Lunel, et bien
d'autres encore.
Et puis, le 4 août 1991
à Madrid, "Beauduc" était le premier des six toros
d'Hubert Yonnet à fouler le sable de Las Ventas. Six toros qui
permirent pour la première fois à un élevage français de prendre
l'ancienneté dans l'arène la plus importante au monde. Forcément,
aujourd'hui, l'héritage de Monsieur Yonnet est très difficile à
perpétuer. Souhaitons que sa famille, et en particulier sa
petite-fille Charlotte, puissent être à la hauteur de cette si
importante histoire.
Florent