Courage linéaire, et certainement
aussi vision rugbystique de la tauromachie. Il y a vraiment, chez les
forcados, quelque chose de pas commun. Car dans quasiment toutes les
autres disciplines face au toro, le principe est d'esquiver la bête.
Mais ici, il est question de la recevoir de plein fouet, au cours
d'un puissant duel et d'un choc inévitable. Offrir son corps à la
science.
J'ai d'ailleurs du mal à comprendre
pourquoi, du fait de cette tradition, le rugby connaît aussi peu
d'engouement au Portugal. Certes, il y eut une percée en la matière,
un peu anecdotique, puisque le Portugal participa au Mondial 2007 de
rugby en France. Cela donna notamment un curieux Nouvelle-Zélande –
Portugal, avec une valise à la clé pour nos amis de Lusitanie, mais
tout de même un essai inscrit face aux All Blacks, un exploit, fêté
comme la conquête d'une autre planète.
Chez les forcados également, c'est le
collectif qui doit s'imposer. Derrière le forcado qui reçoit en
premier le toro sur lui, la ligne qui suit doit être solidaire et ne
jamais rompre. C'est une obligation, quand on sait que les toros du
Portugal en général sont forts, robustes, et arborent des origines
de type Pinto Barreiros ou Comte de la Corte.
En France, voir des forcados dans une
arène est relativement récent, puisque cette forme de tauromachie
n'est arrivée qu'à la fin des années 60. S'il y a des corridas
portugaises chez nous, elles restent assez rares tout au long de la
saison, et sont cantonnées à des soirées d'été.
Évidemment, le plus impressionnant
dans ces courses-là – et pardon pour les toreros à cheval –,
reste le duel de fin de combat. Entre ces forcados anonymes, dont les
groupes qui existent ont tous le label amateur, et le toro. Quand le
silence s'installe sur les gradins, les impacts sont forts, et
parfois terribles.
Au cours de ce mois de septembre, deux
forcados sont morts suite à des blessures en piste au Portugal.
Pedro Primo, 25 ans, du groupe de Cuba, et Fernando Quintela, 26 ans,
que l'on voit sur la photo, et qui lui était du groupe d'Alcochete.
Pour tous les forcados qui font des
saisons complètes au Portugal, et pour ceux qui viennent parfois
l'été dans les arènes françaises, sous les lumières des
projecteurs et des lampions, on leur prête par moments un aspect
comique. Avec une tenue particulière, tout comme l'est aussi leur
façon d'appeler les toros. Mais c'est un grand moment de vérité,
et quelque part, eux aussi sont toreros.
Florent