Un
lot de toros ou de novillos qui sort dans une arène est toujours la
vitrine d'un élevage. Mais cela permet avant tout de maintenir cette
agriculture de luxe, une agriculture extensive, celle du toro de
combat. Et la place du toro, elle est dans l'arène, aux couleurs de
sa devise, avec un nom, une origine et un prestige.
L'été
dernier, à Villaseca de la Sagra, l'ami Josue Moreno, qui fait
partie du staff, nous proposa le grand honneur d'aller faire "pastor"
avec lui, et d'accompagner la course des novillos pendant l'encierro.
Il m'en avait déjà parlé l'année d'avant, mais j'avais préféré
observer. Villaseca est un village qui possède une très belle
feria, dans cette province de Tolède qui regorge d'événements
taurins à toute saison. Une sacrée expérience, avec Josue et
Jonathan, que fut ce privilège d'accompagner la course des novillos
vers les arènes.
Il
ne s'agissait pas de courir "devant" les cornes, ce qui est
encore une discipline à part, qui nécessite un courage énorme, une
connaissance de l'endroit où l'on va courir, ainsi que du placement.
Surtout les jours où il y a de l'affluence, et où l'on n'est pas
forcément maître de ses mouvements. Dans certaines villes, pour un
coureur d'encierro, il y a le facteur chance, et c'est presque du
50/50.
A
Villaseca, il n'y a pas beaucoup de coureurs si l'on compare à
d'autres lieux, comme Arganda del Rey ou bien sûr la Navarre. A
Villaseca, la rue de l'encierro est très large.
Ce
jour-là, les novillos sont de Cebada Gago. Et d'ailleurs, quelques
jours auparavant, il y a eu à Villaseca d'autres toros de cet
emblématique élevage. Ceux qui étaient prévus pour la corrida de
Pamplona en juillet ! Mais à Pamplona, la corrida a été annulée à
cause de l'orage, et Villaseca en a racheté la plupart pour les
faire sortir lors d'une course de recortadores.
Quant
à l'encierro avec les novillos de Cebada Gago, il a lieu le lundi 9
septembre. La subtilité dans l'encierro à Villaseca, c'est que le
troupeau part des arènes jusqu'au centre du village, pour ensuite
devoir faire demi-tour et revenir ! C'est ce demi-tour qui doit bien
être négocié, et il convient de faire repartir le lot dans l'autre
sens, et en groupe, afin d'éviter tout désordre.
Pour
accompagner la course des novillos, il y a devant un groupe de
cabestros, les boeufs, qui sont ceux qui ont créé la discorde à
Pamplona, car ils sont rapides, ont l'habitude de courir en tête
devant les toros, et de gêner les coureurs ! Ce sont exactement les
mêmes, appartenant à l'élevage El Uno, avec notamment un qui
s'appelle Messi et l'autre Ronaldo. Du fait qu'à Villaseca il y ait
un demi-tour sur le parcours, le risque est que les cabestros
distancent trop les novillos et repartent dans l'autre sens bien
avant eux.
Mais
attention, parce qu'en matière d'encierros, les bêtes de Cebada
Gago ont une réputation de coureurs véloces. Et ils étaient
magnifiques à voir, à arpenter cette grande rue. Un superbe lot.
Avec notamment le 75, de pelage burraco, qui recevra le prix au
meilleur novillo de la feria. Il y a le colorado aussi, qui est une
copie conforme en type morphologique d'un toro qui avait eu une
vuelta à Vic il y a quelques années. C'est un petit-frère qui
porte exactement le même nom que ce toro là, "Sonámbulo".
Alors,
les Cebada Gago, venus de Medina Sidonia, dans la province de Cádiz,
qui est une terre d'élevage par excellence, firent ce dernier
voyage, cette dernière course, à belle et vive allure. Ce chemin,
c'est celui qui mène vers l'arène, la véritable place du toro de
combat, pas celle de l'abattoir.
Florent