L'archétype oui, du fait
de sa carcasse imposante, de sa corpulence, et de sa façon d'être
dans l'arène.
En le voyant, on se
disait – sans savoir l'expliquer de manière rationnelle – que
cet homme était certainement plus picador que beaucoup d'autres.
Fritero
a passé sa vie à piquer des toros, de la fin de la décennie des
70's jusqu'à l'an dernier. Il aura accompagné beaucoup de toreros
aussi, et des français de toutes générations, que ce soit Robert
Pilès, Nimeño, Richard Milian, Stéphane Fernández Meca ou Denis
Loré.
A le voir dans l'arène,
et à l'entendre parler, on remarquait bien que "picador"
était un métier à part entière. Fritero lui, représentait pour de vrai
cette profession, celle d'hommes dont le coeur bat aussi vite que les
piétons au moment du paseo.
André Floutié était un
personnage pittoresque, LE picador dans toute sa splendeur. Il est
une évidence d'affirmer que cet homme, assis sur sa selle, a
affronté tous les toros de la création, les plus braves, les plus
durs, les plus mansos, et tous les autres. Souvent, l'incompréhension
pouvait être au rendez-vous, et Fritero disait même qu'il était un
"mal-aimé" de la corrida.
C'est vrai que le tiers
de piques est probablement le moment le plus compliqué à
appréhender pour le grand public lors d'une course.
Pour être picador, il
doit falloir une sacrée force physique et mentale, et bien du
courage. Lors des tardes de toros jonchant
sa carrière, Fritero a
tout connu, les batacazos avec de graves blessures parfois, les
sifflets, les broncas interminables, mais également les ovations,
les tours de piste, et aussi des trophées primant le tercio
de varas.
Avec Fritero,
c'est une page qui se tourne, une philosophie du tiers de piques, une
façon d'affronter les toros assis sur la selle d'un cheval. Fritero
n'était pas le premier picador
français de l'histoire, mais il fut en tout cas une sorte de
précurseur, forçant le respect et incitant les vocations.
Un souvenir
d'après-tienta chez François André me revient alors. Ce jour-là
Fritero parlait, l'oeil
défiant les Alpilles aux alentours, un verre de boisson anisée à
la main, une Gitane sans
filtre dans l'autre, en évoquant avec une précision implacable une
course d'il y a une vingtaine d'années : l'arène, le torero aux ordres duquel
il officiait, la ganadería, la cavalerie, et le nom du cheval qu'il
montait !
Grand
picador, Fritero était un homme passionné comme on en voit peu.
Picador, il l'aura en fait été jusqu'au bout.
Un
jour, dans un reportage audiovisuel, il avait énoncé une phrase
prêtant à réflexion : "Dans l'arène, le picador
est le seul homme à pouvoir mesurer la véritable force du toro, car
il l'a au bout de son bras". Oui,
le tiers de piques est une épreuve de force, primordiale, comme les
propos de cet homme l'illustrent. Une épreuve grâce à laquelle on
assiste parfois à des moments grandioses...
Une chose est sûre,
Fritero était un Roi de pique. Et dans nos mémoires, il le sera
encore longtemps.
Florent
(Image de François
Bruschet : Fritero face à un manso de Miguel Zaballos en 2007
à Arles)