Miura. Saison n°154. Un élevage
dont les toros alimentent des fantasmes ainsi que les
rumeurs les plus folles. Quels sangs exacts peut-il bien y avoir dans
les veines de ces toros ? Impossible de le dire, et surtout, de le
savoir. La légende est intacte, depuis 1842.
Cette année, les Miura fêtaient
leur soixante-quinze ans d'affilée à la Maestranza. Une ganadería tellement différente de toutes les autres. Il est d'ailleurs
curieux qu'elle soit ainsi maintenue dans cette arène,
car le goût du toreo sévillan requiert absolument l'opposé de
Miura en matière de toros. Cette année, dimanche 26 avril, les
Miura étaient dans la feria en tant que dessert, comme souvent.
Miurada avec ciel variable,
pluie, soleil et vent. Des charpentes classiques de la maison qui
impressionnent toujours, et des cornes inégales, parfois abîmées
et astillées.
Chez Miura, chaque toro est une
pièce rare, qui se négocie à prix d'or, et en piste vend chèrement
sa peau. Si vous désirez en voir en France cette année, il faudra
se rendre en août à Béziers (corrida) ou/et à Carcassonne
(novillada).
Hier, il y avait en fait
plusieurs anniversaires. Sur les gradins, on distinguait un grand
Monsieur, discret, qui il y a tout juste vingt-cinq ans faisait son
baptême face aux toros de Miura. Ce spectateur, c'est El Fundi, et
le 16 avril 1990 à Arles, il estoquait ses premiers toros marqués
du "A"... et coupait trois oreilles !
Aujourd'hui, s'il fallait trouver
un spécialiste du Miura dans le circuit, ce serait Rafaelillo. Le
torero de Murcie est, parmi ses confrères en activité, celui qui en a
combattu le plus. Sa tauromachie, rusée et en mouvements, est celle
qui s'accomode le mieux aux toros de Miura. Avec de tels adversaires,
les doutes ne sont pas permis, pas plus que les faenas pré-conçues
que l'on aurait en tête. Rarement admises aussi, les passes
longues et amples. C'est un combat avant tout.
Hier, le chef de lidia était
Eduardo Dávila Miura, retiré de la profession il y a presque dix ans.
Curieusement, pendant sa retraite, Dávila Miura avait notamment été un certain temps l'apoderado de Rafaelillo ! Alors qu'il
aurait pu être désemparé pour son retour, Dávila Miura a montré
un calme étonnant, tout d'abord avec un premier toro haut,
difficile, incertain, qui donnait des coups de tête et se retournait
vite. Le quatrième, exigeant, proposait un danger omniprésent,
malgré un bon fond. Après une bonne lidia de Javier Ambel, le matador
Dávila Miura sut être à la hauteur, sans jamais se précipiter. Grâce à une épée habile, une oreille fut accordée. Et personne avant
la course ne l'aurait imaginé...
Pour Iván Fandiño, qui affronta
les troisième et sixième, c'était la première corrida de Miura.
Un sacré geste ! Et on ne lisait pas, sur le visage du torero basque,
la déception de son début de saison. Au contraire, on voyait
l'espoir d'avoir un toro mobile et qui mettrait la tête. A la place,
Fandiño a eu deux toros intéressants, mais surtout durs et réservés. Son
premier, difficile, ne s'arrêtait jamais et attendait le torero à
la moindre erreur. Fandiño eut de bons passages, en se croisant avec
patience, sur la corne droite, et en tentant de dominer l'adversaire. Le
dernier, accueilli à genoux et bien mis en valeur à la pique, fut compliqué, réservé et sur la défensive. Et Fandiño, face aux
portes fermées du succès, n'eut pas des conclusions heureuses avec l'épée. Double silence.
En cinquième position sortit
"Bandolero", un toro de cinq ans, de 656 kg ! Manuel
Escribano est allé s'agenouiller face au toril, pour l'accueillir, lors d'une attente
interminable. A son entrée, le Miura snoba le torero. Et bien plus tard, en
début de faena, il lui donna un avertissement en lui touchant la
cuisse. C'était un toro encasté, avec beaucoup de fond et du
danger, comme les autres en fait. Escribano eut de bons passages, et passa
près de la correctionnelle sur un desplante, le Miura n'acceptant
guère ce genre de figures. Il y eut une oreille, après une épée
sur le côté, avec même une pétition de second trophée que la
présidence sut justement refuser.
Florent
(Images : Le portail de Zahariche (photo de Laurent Larrieu) / "Trapero", 559 kg, le deuxième Miura (photo de La Maestranza))