Orthez, dimanche 26
juillet, 17 heures 15, à peu de choses près. Je te vois t'avancer,
le sourire fixe abreuvé par autre chose que de l'eau minérale. Tu
trouves tout de même la lucidité nécessaire pour me filer l'ordre
de sortie des toros de Valdellán. A ce moment-là, toi qui es
maintenant jeune papa, et frais comme un gardon, rien ne te perturbe.
Si notre ami Joaquín Monfil avait vu ta mine, il t'aurait chambré
à coup sûr, avec la gentillesse qui était la sienne. Bientôt deux
ans qu'il n'est plus là, il aurait été fier de toi. Il est
parti aimer la fête des toros depuis les étoiles.
A Orthez, c'était la
journée spéciale Valdellán. Le matin, Tomás Angulo est passé à
côté de "Buenas tardes", un
excellent novillo, brave, encasté, et dont la charge transmettait
beaucoup. Angulo a rendu son triomphe de 2014 dans la même arène.
L'an dernier, il avait coupé ici trois oreilles mais s'était
surtout relevé d'une boîte monstrueuse, le laissant complètement
inanimé au sol.
Mais la question de la
journée, c'était de savoir si parmi tous ces exemplaires de
Valdellán, certains auraient un potentiel se rapprochant de celui de
"Cubano"
de Vic, le numéro 28. Sur ces sept toros
inscrits sur ce papier, peut-être l'un de ces numéros 13, sait-on
jamais ?
Certaines courses sont
plus difficiles à présider que d'autres. Celle de Valdellán de ce
dimanche après-midi faisait partie de ladite catégorie des "plus
difficiles". Lors d'une corrida de vedettes, faire le choix d'un
premier tiers avec un ou deux picotazos n'a pas grande influence sur
le reste du combat. Pour d'autres corridas, comme celle d'Orthez,
choisir entre deux ou trois piques a en revanche une grande
importance.
Cela
faisait un petit bout de temps que je n'avais pas vu dans une arène
une présidence aussi contestée... et aussi absente. Trop de doutes
dans ses décisions. Changer le tiers de piques du troisième toro
"Carmelita",
le plus brave de l'après-midi, aussitôt
terminée sa deuxième rencontre au cheval. Puis se raviser sous la
bronca, et finalement signaler au picador d'effectuer de façon
ridicule un "regatón", surtout pour une troisième
rencontre qui aurait dû être une vraie pique. Cette même
présidence aurait également pu remplacer le quatrième toro,
affublé d'un problème à une patte dès le début du combat. Ce
toro n'a finalement pas été changé, il a même un peu récupéré,
tandis que le balcon lui a tergiversé de bout en bout. Naufragée,
la présidence est passée à côté de la course du début jusqu'à
la fin, ça arrive, c'est ainsi.
Les
toros de Valdellán, inégalement présentés, n'ont pas fait revenir
sur le sable l'émotion provoquée par "Cubano", deux mois
plus tôt. Tout au long de la journée, il y eut un peu de tout au
niveau toros, plus ou moins intéressants en comportements.
Le
premier d'Alberto Lamelas, un berrendo en cárdeno, bas et bien armé,
était court de charge et difficile. Certes sa lidia ne fut pas
joyeuse, mais Alberto Lamelas s'est arrimé une fois de plus, allant
chercher des passes que plein d'autres n'auraient pas envisagé. Avec
le quatrième, protesté en début de combat, Lamelas a distillé de
bons muletazos sur la corne droite, mais le toro s'est éteint très
rapidement.
Thomas
Dufau, nous-dit on, a laissé une bonne impression trois jours avant
au Plumaçon face à une mauvaise corrida de Juan Pedro Domecq. Ses
prestations auraient même été ce jour-là supérieures à celles
de Juan José Padilla et Manzanares, ses compagnons de cartel. A
Orthez, Thomas Marty a superbement écarté son premier adversaire.
Pour Dufau, le changement de contexte et de toros s'est fait sentir.
Beaucoup de doutes notamment face au cinquième, encasté, difficile
et exigeant. Les deux fois, un calvaire avec l'épée. Du coup,
Thomas Dufau a été beaucoup moins à l'aise que Lamelas et
Valencia. Comme quoi, en tauromachie, la hiérarchie conférée par
les cartels n'est pas obligatoirement respectée, loin de là, à
Mont-de-Marsan, à Orthez et ailleurs.
Quant à César Valencia,
il n'a pas connu de naufrage. Depuis la corrida de Fraile à Céret,
il a fêté ses vingt ans. C'était seulement sa troisième corrida
de ce côté de l'Atlantique. A Orthez, face au meilleur lot de
l'après-midi, il a davantage pu se relâcher par rapport à Céret,
laissant cependant une impression moins forte. Pour toréer, les
Valdellán d'Orthez permettaient plus que les Fraile de Céret, alors
Valencia en a profité. Son premier adversaire, "Carmelita"
a montré beaucoup de caste au cheval face à Alberto Sandoval en
trois rencontres (dont une au regatón...). Après un tiers de
banderilles assuré par César Valencia lui-même (et de façon très
respectable), "Carmelita" a planté ses cornes dans le
sable en début de faena, pour un tour complet. Un toro amoindri,
quel dommage, mais qui gardait encore un peu d'allant dans la
muleta... De Valencia, on détachera surtout plusieurs naturelles
sincères en fin de parcours. Le dernier Valdellán de la journée,
"Hurón", démontra lui aussi de la caste, en quatre
rencontres puissantes à la pique, et avec une charge soutenue par la
suite. Face à ce toro, César Valencia fut très appliqué, et plus
centré qu'au troisième. Deux pinchazos auront raison d'une
éventuelle sortie en triomphe, mais pas de ce jeune vénézuélien
qui est la grande révélation de l'année 2015 avec ce type de
corridas. En plus, il a tout juste vingt ans...
Florent