Septembre en
tauromachie, assurément le mois le plus étrange. Plein de courses,
quasiment autant voire plus qu'en août, des surprises, et une
infirmerie pleine. En septembre, quand les projecteurs s'allument au
cinquième ou au sixième toro, c'est généralement un présage de
fin de saison. Le coup de sifflet final n'est pas loin. Septembre,
c'est aussi un mois d'oublis et de retrouvailles. Certains ont eu une
saison très garnie, mais auront bien du mal l'an prochain à
conserver un agenda similaire.
Cette semaine,
Domingo Valderrama était annoncé à l'affiche d'un festival dans un
bled de Castille. Il n'a d'ailleurs plus porté d'habit de lumières
depuis 2005. Dix ans.
Il n'empêche
– et l'on ne s'en rend pas forcément compte – que le nom de
Domingo Valderrama revient toujours d'une saison à l'autre. Dès
qu'un torero de très petite taille s'impose face à un toro plus
grand que lui, le parallèle revient automatiquement, comme une
référence. Souviens-toi de Domingo Valderrama.
Né en 1971,
Domingo Valderrama est de la même génération que Finito de
Córdoba, Enrique Ponce, El Tato, Luis de Pauloba, et tant d'autres.
Une même génération mais des destins bien différents.
Domingo
Valderrama a forgé son apprentissage chez Guardiola, à Utrera
(Séville), là où il est né. Il existe par ailleurs des images en
noir et blanc, de Valderrama gamin, en train de se mesurer à ce
bétail prestigieux. En retrouvant l'historique de saisons anciennes,
on remarque également que Valderrama a beaucoup toréé en France en
tant que novillero.
Mais sa
particularité, c'est bien sûr sa taille. Tout juste 1 mètre 60.
Souvent, on se demande quelle serait la taille idéale pour un torero
face au toro. Les très grands peuvent être désavantagés, tandis
que les petits auront la possibilité de transmettre davantage au
public, en étant au plus près de l'animal. Seul inconvénient pour
ces derniers : comment porter l'estocade ?
En ce qui
concerne Domingo Valderrama, sa carrière est liée aux corridas
"dures", et à tous les élevages qui entrent dans cette
catégorie. Des toros gigantesques, et qui le paraissaient encore
plus quand le petit Valderrama s'approchait d'eux. Une carrière fort
honorable, peut-être un peu vite et injustement oubliée à l'heure
qu'il est.
Des grandes
heures, Valderrama en a connu dans les arènes les plus importantes.
Madrid, Séville, Bilbao, Pamplona... Et toujours des toros durs !
Son apprentissage très jeune lui a permis de posséder une technique
enviable, et un excellent concept du toreo. On parlait aussi de son
grand courage, souvent on le disait héroïque. Pour en avoir le coeur net, il suffit de regarder quinze ou vingt ans plus tard les
clichés ou vidéos de certaines corridas dantesques. Beaucoup de
technique chez ce petit torero, un coeur énorme, des vols planés
collectors et aussi des blessures sérieuses.
Habitué aux
canicules de son Andalousie natale, Domingo Valderrama prend
l'alternative en octobre 1992 à Floirac, en banlieue bordelaise.
Contraste. Et le 28 septembre 2003, alors que sa carrière a connu
ses plus grands moments entre temps, il torée à Floirac pour la
quatrième fois. C'est une corrida-concours. Son premier adversaire
est "Tangerino", n°322, de Fernando Palha, un toro
impressionnant, au pelage multicolore venu d'un autre siècle, et qui
tranche littéralement avec la modernité des barres d'immeubles aux
alentours. "Tangerino" prend six piques et c'est un toro
difficile. On découvre un Valderrama à la peine, qui se blesse à
la main. Sifflets après deux avis, et départ pour l'hôpital. Le
second toro qu'il aurait dû combattre, de Françoise Yonnet, était
encore plus imposant... Mais c'est finalement El Fundi qui l'affronta
de façon admirable.
En
tauromachie, on a parfois tendance à penser qu'il n'existe que des
"Happy end", mais ces histoires-là existent aussi. Car ce
fut la dernière corrida en France de Valderrama, avec une blessure
et des sifflets, dans l'arène où il avait pris l'alternative.
Floirac est en fait un hasard dans toute cette histoire, puisqu'elle
n'a absolument rien à voir avec l'Andalousie, Utrera et Guardiola.
Après cette
corrida de septembre à Floirac, Domingo Valderrama a toréé
quelques autres corridas jusqu'en 2005, en attendant des opportunités
dans de grandes arènes. Des opportunités qui ne sont jamais venues.
Une sortie par la petite porte à Floirac, puisque septembre est
aussi un mois d'oublis. Mais pendant toute sa carrière, Valderrama
était en tout cas assez grand pour toucher les étoiles.
Florent
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