Au regard des
circonstances, il n'est guère évident d'écrire sur autre chose que
l'actualité. Les yeux dans le vide, chacun a sur les lèvres, depuis
douze jours maintenant, le même sujet. Difficile de faire
abstraction, et de trouver la force nécessaire pour évoquer autre
chose. 2015 restera malheureusement une année à la con. On peut
bien sûr trouver d'autres qualificatifs. Une année probablement pas
pire qu'une autre au niveau international. Mais voilà, pour la
France, c'est une autre affaire. Janvier déjà, les fêtes du Nouvel
An à peine terminées, un orage tombait sur toutes les têtes, avec
l'horreur dans la salle de rédaction du journal satirique Charlie
Hebdo. Puis ce fut ce supermarché casher. Une année lourde,
pesante, où il n'y eut malheureusement pas que cela. Et bien plus
tard, cette putain de nuit de novembre, douce pour la saison et
étoilée. Une nuit douloureuse, avec toutes ces personnes qu'il sera
impossible de ramener à la vie, à l'essentiel.
Et puis, il y a ces
images auxquelles on ne peut échapper, qui entrent dans nos champs
de vision comme par effraction. Voir la mort en direct, ou en
quasi-direct. Les corps n'étant même pas enterrés, certains
journalistes (pas tous heureusement, et même loin de là), diffusent
à la télévision ou sur internet les images qui auraient pu vous
échapper, la petite phrase, ou bien le petit détail que personne
n'a relevé. En quête d'audience, sur des décombres, et sur le
malheur des gens, de familles brisées. Ces pratiques-là ne sont pas
enviables, et rajoutent même un surplus d'horreur.
Alors on repense aux
beaux jours, parce que la nostalgie quand même, c'est plutôt pas
mal ! On s'aperçoit du caractère éphémère de chaque saison
taurine. Chacune d'entre elles est tellement courte en réalité. Les
beaux jours au sens large, où qu'importe la météo, la télévision
est éteinte, et la finalité consiste à se rendre aux arènes en
fin d'après-midi.
C'est le cas de Parentis,
chaque année au début du mois d'août. En 2015, la météo y aura
été capricieuse, mais ce rendez-vous était une fois de plus
intéressant. On s'y rend voir des élevages qui sont peu ou pas
programmés ailleurs. De ce point de vue, Parentis est surtout connue
pour le sérieux et la variété des cornus qu'elle présente.
Pourtant, elle ne semble
pas échapper au bon vieux cliché des plazas toristas. Le public s'y
rendrait seulement pour voir de beaux trapíos, de belles armures,
des piques, et c'est tout. Pour le reste, que les novilleros se
débrouillent ! Il paraît que faire le paseo à Parentis, pour un
novillero, ressemblerait à un aveu d'échec. De ceux qui formeraient
la catégorie des désespérés, aux portes de l'anonymat, venant se
perdre dans cette arène à l'extrémité des Landes, où souffle
l'air de l'Atlantique. Des novilleros inconnus qui iraient par
mésaventure, s'égarer dans cette arène, abîmer et user un peu
plus des costumes d'occasion. Le peu de résonance donné pendant des
années aux novilladas de Parentis a certainement contribué à ce
cliché. Deux lignes avec le résultat des novilleros, le constat
d'oreilles coupées en petite quantité, et c'est tout.
Mais Parentis aussi est
une fête. Le public garde un œil attentif sur les novilleros qui
viennent y affronter du bétail sérieux et exigeant. Parentis fait
partie de ces petites arènes qui peuvent regarder leurs anciennes
affiches avec le sourire en coin. Pour ces quinze dernières années,
on recense notamment parmi les novilleros qui y ont foulé le sable :
Fernando Robleño, Paulita, Julien Lescarret, Fernando Cruz, Luis
Bolívar, Alejandro Talavante, Alberto Aguilar, David Mora, Paco
Ureña, Joselito Adame, Alberto Lamelas... aux carrières très
différentes, mais qui ne sont pas des inconnus. Et puis il y a ces
novilleros auxquels on a vu de belles dispositions, mais qui ont
rarement été répétés ensuite en d'autres endroits. Le colombien
Juan Ortiz, Daniel Martín "El Dani",
Imanol Sánchez, Luis Gerpe... pour ne citer qu'eux. On évoque les
novillos de Parentis, mais ceux qui viennent les affronter ont
également leur importance. Et parce que faire le paseo dans cette
arène n'est pas quelque chose d'anodin. Cette année, c'était au
tour du colombien Guillermo Valencia de s'illustrer, face à
"Jardinero" et "Tostadino", deux
novillos imposants et passionnants de Los Maños. Trois oreilles
(qu'importe d'ailleurs), une sortie en triomphe, beaucoup de courage
et d'émotion. La fête continue.
Florent