À
Florian,
Resteront
en mémoire plus que de bons souvenirs. À
un de ces quatre, j'ai envie de te dire, parce que je n'aime pas dire
au revoir. Le sentiment que l'arbitre a donné trop tôt le coup de
sifflet final, là, dans les arrêts de jeu de la saison 2015. A
bientôt oui, comme on se l'était dit à Saint-Sever le mois
dernier.
Toi et Mathieu
êtes les deux premières personnes que j'ai eu la chance de
connaître à Mont-de-Marsan. Là où en sortant de la gare, on tombe
inévitablement sur le Plumaçon. Je t'écris, et j'ai le sourire en
pensant au tien, à ton état d'esprit, à ton afición. La Madeleine
du Plumaçon, tu la rêvais avec chaque jour des fauves et trois
torerazos pour se mesurer à eux, en bas, sur le sable. Je me
souviens de ton air moqueur les années où les affiches venaient à
être un peu light. Tu aimais la façon dont Campos y Ruedos, et
d'autres, évoquaient au second degré les dérives de tes arènes.
Cela te faisait bien marrer. Je me souviens de ton "est-ce bien
sérieux ?", qui revenait de manière récurrente. Comme l'année
où ils ont osé faire, pour la Madeleine (!), une corrida avec un
rejoneador et deux toreros à pied. Ô sacrilège tu avais dit,
ailleurs peut-être s'ils le veulent, mais pas à Mont-de !
Tu dois te
douter que pour nous, revenir au Plumaçon sera désormais très
différent. Est-ce bien sérieux ? Mais ton départ marquera
également tant d'autres endroits où tu jouais à l'extérieur.
Entre autres, Vic-Fezensac, Parentis, Ciudad Rodrigo, où tu aimais
courir l'encierro, sentir le frisson, de ces cornes qui poursuivent
et passent à quelques centimètres.
Pour toujours,
cette immense sympathie restera, avec aussi la véracité dans
chacune de tes phrases. Quand quelque chose ne te plaisait pas, tu le
disais et ne cherchais jamais d'échappatoire.
L'autre jour,
alors que tu étais tout seul au cartel, un peu comme pour un seul
contre six, tu as peut-être remarqué qu'il y avait le "No Hay
Billetes". Le plein à craquer, juste pour toi.
Aux arènes,
tu aimais bien le silence. Le même que celui de chez Malabat, à
Brocas-les-Forges, dans la forêt de pins, où demeurent les cornus
noirs et blancs d'origine Atanasio. Loin du brouhaha, tu avais
beaucoup d'affection pour cet endroit-là.
Si on en
revient à cette histoire de musique, tu préférais les faenas
silencieuses, âpres et intenses, où l'on entend seulement la rumeur
sur les gradins. Musique à dose raisonnable, avec parcimonie, qu'il
faut savoir garder en de rares et grandes occasions. Gallito, mais
aussi Oliva de la Frontera, le jour du faenón de Sergio Aguilar au
Plumaçon face à un toro de Fuente Ymbro. Et puis, Martín Agüero
aussi, ça c'est quand même un truc de torerazo ! En pensant à toi,
j'ai dû l'écouter approximativement 250 fois ces dernières
semaines. Est-ce bien sérieux ?
Entre sourires
et souvenirs, l'arbitre a vraiment sifflé trop tôt la fin du match.
C'était un 6 décembre. J'aimerais dire à ce con d'arbitre qu'il
nous laisse les prolongations, les tirs au but, la troisième
mi-temps, et bien au-delà encore.
Impossible
d'oublier ton visage d'éternel jeune homme, toujours impeccablement
rasé, ton sourire, ta gentillesse, ton humour. En 2016, et même
après, chacun de nos périples vers les arènes sera marqué par
tant d'images de ta personne. Un jeune homme pour l'éternité,
portant fièrement ses 34 printemps. Pour le temps qu'il nous reste,
aux arènes, dans les rues, et partout ailleurs, nous continuerons à
cultiver ton état d'esprit, avant la course, sur les gradins, et au
bout de la nuit.
Florent