Il est assez fascinant de
constater qu'en France, chaque ville où l'on célèbre des corridas
et des novilladas possède une histoire taurine différente. Depuis
trois ans, on entend fréquemment parler de Boujan-sur-Libron, petite
commune faisant partie de l'agglomération biterroise, car elle
organise pas moins de trois ferias par an ! Une en juin (qui passera
en 2017 au mois de juillet), une en août, et une en septembre.
Pourtant, la tradition
taurine de Boujan-sur-Libron, qui paraît récente à première vue,
aurait très bien pu prendre fin il y a dix ans.
Pendant des années, ce
sont des novilladas sans picadors qui s'y donnaient, dans une arène
dont il n'est pas péjoratif de dire que c'était une structure de
fortune. Une enceinte, avec des barrières et des burladeros, et les
gradins métalliques montés à part, à quelques mètres d'écart.
S'y donnaient donc des novilladas sans picadors avec l'appui du club
taurin local au mois d'août, à l'exception d'une année, où Rafael
Cañada fut invité à combattre un toro de Miura !
Toujours dans la même
arène, le 5 août 2006, ce fut la première novillada piquée à
Boujan. À
l'affiche, trois novillos de Gallon et trois de Robert Margé pour
Antonio João Ferreira, José Caraballo et David Oliva. Sur l'image,
provenant de la page internet de la peña Oliva de Béziers, on peut
voir le portugais Ferreira, exécutant une passe de poitrine face à
un novillo de Margé. Les articles d'archives de l'époque font état
d'un retard de trente minutes de la novillada, en attendant l'arrivée
d'une ambulance. La novillada avait été un succès, aussi bien dans
son contenu que dans l'affluence aux arènes, ce qui avait conduit
l'organisation à renouveler le pari l'année suivante.
Samedi 4 août 2007.
Novillada piquée de Gallon pour Enrique Guillén, José Caraballo et
le français Jérôme Chan-The-Rang dit "El Chino".
L'après-midi festif prit malheureusement très vite une tournure
tragique, puisque le premier novillo de Gallon sauta les barrières
et se retrouva tout proche de la foule. Dans son échappée, il
blessa deux personnes, dont une très sérieusement. Le catalan
Enrique Guillén, qui aujourd'hui est apoderado du français Maxime
Solera et du matador Vicente Soler, avait eu à estoquer le novillo
de Gallon sur le terrain de basket-ball situé à côté.
Rocambolesque... mais surtout dramatique. Bernard Coffin, président
d'un club taurin à Béziers, et qui fut blessé par le novillo,
décéda à l'hôpital des suites de l'opération. Un drame.
Cela aurait pu par
ailleurs mettre un terme définitif à la tauromachie à
Boujan-sur-Libron. Et il n'y eut pas de novillada en 2008. Quelques
années plus tard, en 2013, le maire de l'époque Raymond Faro
(décédé en 2014), ainsi que son adjoint, furent condamnés à de
la prison avec sursis ainsi qu'à des dommages-intérêts, pour
violation d'une obligation de sécurité.
Avant le procès, la
justice avait même eu recours à une reconstitution. Dans tous les
cas, cette histoire datant de 2007 avait fait assez peu de bruit par
rapport à sa gravité dans la presse taurine, et encore moins dans
les médias en général. Il faut dire aussi que c'était le mois
d'août, et que le nombre de ferias et de corridas à cette période
de l'année est colossal.
Boujan-sur-Libron
retrouva assez rapidement des toros, avec l'organisation de
novilladas sans picadors dès l'été 2009. Tout cela dans de
nouvelles arènes, métalliques, mais bien plus solides et aux normes
cette fois. Des arènes portatives, restant cependant à l'année à
Boujan, puisqu'elles ont été achetées par la commune. Elles seront
baptisées plus tard du nom de Philippe Castelbon de Beauxhostes,
dont un parent avait été à l'initiative à la fin du XIXème
siècle de la construction des arènes de Béziers.
Le 7 août 2009, jour de
la première course dans les nouvelles arènes de Boujan, il y avait
une novillada sans picadors avec l'élevage français de Granier...
et un certain Víctor Barrio parmi les novilleros à l'affiche.
Les non piquées se
succédèrent encore d'année en année à Boujan, toujours au mois
d'août. En 2013, c'est Andrés Roca Rey qui fut le triomphateur de
la feria après avoir coupé deux oreilles à un eral de Robert
Margé.
Et en 2014, nouveau
rebondissement. À
son élection, le nouveau maire déclara que la traditionnelle feria
de non piquées du mois d'août se ferait désormais sans mise à
mort ! Mais les aficionados furent vite rassurés, car une corrida
s'organisa au mois de septembre 2014 à Boujan.
Cette
date de septembre est toujours présente dans le calendrier
aujourd'hui, tout comme la feria de becerradas au mois d'août.
Une
nouveauté cependant, et pas des moindres, est apparue en 2015. Des
organisateurs indépendants de la commune, ont décidé de monter une
feria de novilladas avec picadors. Chose qui n'est pas si fréquente
par les temps qui courent !
À
la tête de cette audacieuse organisation, il y a Michel Bouisseren,
qui s'est fait connaître par le biais d'une page sur les réseaux
sociaux, "Brèves Taurines", et qui évoque la tauromachie
"sans langue de bois" comme il le dit lui-même.
Première
feria en juin 2015, non piquée de Robert Margé, et deux novilladas
de Partido de Resina (avec Manolo Vanegas, Andrés Roca Rey et
Joaquín Galdós) et de Cebada Gago (dont le triomphateur fut Vicente
Soler). Et d'autres noms prestigieux en 2016, avec José Escolar Gil,
les Curé de Valverde de Jean-Luc Couturier, et la présence par deux
fois du valeureux novillero vénézuélien Manolo Vanegas. En bien ou
en mal, mais surtout en bien car une feria de novilladas piquées est
une chose rare par les temps qui courent, on entend souvent parler de
Boujan-sur-Libron.
C'est
l'arène française qui a dévoilé en premier ses plans pour la
saison 2017. Le premier week-end de juillet, avec des novilladas de
Los Maños et Dolores Aguirre, encore des noms de ganaderías
prestigieuses pour les aficionados a los toros. De quoi remplir des
attentes de combats complets, de la pique jusqu'à l'estocade. Un
nouveau pari, une troisième feria d'affilée, la première feria de
novilladas piquées de l'année en France... et un autre pari qui se
murmure, celui de programmer de nombreux novilleros français.
Florent