C'était un réel plaisir de commencer
une feria de Céret par une corrida de Miura. Le fer tracé sur le
sable et peint sur les burladeros. S'imaginer les entrées en piste
typiques des toros de cet élevage, hauts, longs, et qui forcément,
ont de quoi faire forte impression dans une aussi petite piste. Plein
d'images en tête des toros du fer le plus mythique dans l'histoire
de la tauromachie.
Mais il y a deux épines éventuelles
quand est annoncée une corrida de Miura. La faiblesse et l'état des
cornes. A Céret, ce sont les cornes qui ont posé problème, une
chose qui n'est pas nouvelle pour les toros porteurs du A. Avant la
corrida, les organisateurs avaient pris le soin d'annoncer que les
toros avaient les cornes abîmées et qu'ils assumaient de les faire
combattre en l'état.
Un désastre, et des broncas, car
quasiment tous les exemplaires de Miura avaient les extrémités
explosées.
Et le plus dur à savoir dans cette
histoire, c'est la cause, car les hypothèses sont multiples. La plus
simple, qui est pourtant la plus difficile à vérifier, est de dire
que les cornes ont été sciemment manipulées. Mais il ne devrait
échapper à personne que depuis des décennies, beaucoup de toros de
Miura, même lors de grandes corridas, avaient des pointes grossières
et dans un sale état. Il faut dire que lors des embarquements ou des
débarquements, les Miura font partie des toros qui cognent le plus
sur les repères aux alentours. Comme des furies. Une autre hypothèse
pourrait aussi être que les toros avaient déjà les armures abîmées
depuis un moment, qu'elles auraient été arrangées au campo pour
paraître correctes, sans pour autant tenir ensuite. Pour avoir un
jour eu la chance d'assister à une analyse de cornes réalisée par
des vétérinaires, ceux-ci faisaient remarquer que les Miura avaient
une surprenante particularité : une base de la corne très dure,
beaucoup plus que celles des autres toros, et des pointes (la partie
noire) fragiles. On peut ainsi se poser plein de questions à ce
sujet, et ne pas se limiter à une seule, car les pistes sont
nombreuses. Il n'empêche que l'état de ces cornes était mauvais et
ne pouvait laisser le public indifférent.
Vraiment dommage dans tous les cas,
puisqu'il n'y a aucun regret à avoir programmé une corrida de Miura
en ces lieux. Cela avait de la gueule.
Et si le public eut du mal à se
concentrer sur les combats des toros de Miura à cause de leurs
armures, ils gardèrent dans leurs comportements des caractéristiques
de leur sang, sans pour autant être spectaculaires. Une tendance à
se retourner sur l'homme et à ne pas être des plus abordables. Le
quatrième toro, le seul possédant le A en bas de la cuisse, était
le plus noble et offrait davantage de possibilités au torero.
Paulita, qui venait accompagné d'une magnifique cuadrilla (Sergio
Aguilar, Iván García, Manolito de los Reyes) a été discret, alors
que Pepe Moral pour sa part n'a pas montré de motivation et d'envie.
Ce qui n'était pas le cas d'Octavio
Chacón. A son premier toro de Miura, court de charge et dangereux,
Chacón a montré un grand courage, avec de la patience et des cites
de face. Hélas, il n'estoqua pas du premier coup et perdit un
trophée potentiel.
Le cinquième Miura entra dans l'arène,
avec des pointes détruites et aussi de la faiblesse. Cela semblait
être un traquenard pour tout le monde, aficionados, toreros,
organisateurs, et aussi certainement représentant de l'élevage, car
comment de gaieté de coeur peut-on apprécier de voir combattre un
toro dans cet état ? Le Miura fut changé, et entra à la place un
pensionnaire du regretté Hubert Yonnet, qui se cassa une corne à la
base en tapant contre un burladero, après avoir répondu à un cite
d'un subalterne.
Difficile alors pour Octavio Chacón de
renverser la tendance... ce qu'il fit pourtant. Entra en piste un
toro avec cette fois le fer des héritiers de Christophe Yonnet, le
numéro 11, Tranquilito (une allusion à Robert Piles). Un toro bien
présenté et armé, astifino, qui prit trois piques, mais tarda à
venir et sembla arrêté au centre de l'arène. A ce moment-là,
c'était une autre corrida, et on avait complètement oublié qu'il y
avait à l'affiche des toros de Miura. Octavio Chacón est venu à
Céret comme beaucoup viendraient à Madrid. Un torero de coeur,
présent dans la lidia. Entre le centre de l'arène et les planches,
le torero andalou a commencé par deux superbes séries droitières,
en donnant la distance, en citant de loin, sans bouger, les talons
cloués au sol, alors que le Yonnet venait fort et passait près des
fémorales. Quel état d'esprit de ce torero, que l'on avait déjà
apprécié à Vic, et qui s'exposa à chaque passe, à droite comme à
gauche. Il termina par des manoletinas, et porta un pinchazo en se
faisant sérieusement secouer. Tandis qu'il pouvait être incité à
la prudence, il amena le toro de Yonnet en plein centre de l'arène,
et estoqua avec une incroyable sincérité, et un nouvel accrochage à
la clé. Une oreille, qui est l'un des seuls instruments de mesure
existant en tauromachie, une oreille certes largement méritée, mais
qui n'est qu'un symbole quand on pense que ce torero s'est joué la
peau pour l'obtenir. Olé torero !
Florent
(Image de Philippe Gil Mir : l'estocade
d'Octavio Chacón)
Chacon c'est aussi un torero qui a fait donné une lidia totalement à contre sens des canons à ce fameux sobrero de Yonnet. En effet il le place très loin pour la première pique puis le rapproche pour la 2° et le rapproche encore un petit peu plus pour la 3°. Est-ce ainsi que l'on peut juger de la bravoure du toro?
RépondreSupprimerSa faena est très distante, jamais croisé sauf sur une série à gauche plus sincère que les autres.
Son épée en revanche est effectivement non seulement celle de la féria, mais peut-être celle de l'année.
Beñat