C'est cette semaine, précisément le
mercredi 24 janvier, que va être inaugurée la fameuse Arena de
l'agglomération bordelaise. Rive droite, sur la commune de Floirac.
Rien à voir avec les toros, dira-t-on, à l'heure d'aborder le
sujet.
Et pourtant, après de nombreux projets
d'espaces couverts et polyvalents établis depuis le début des
années 80, c'est le premier à aboutir. Sans toros à l'horizon.
Ironie du sort, l'architecte de cette
Arena est Rudy Ricciotti, aficionado, qui avait même eu la tâche de
décorer les arènes d'Arles un jour de corrida goyesque en 2013 !
L'architecte n'y est bien évidemment pour rien si on ne lui a pas
demandé de faire de configuration "plaza de toros" pour
cette nouvelle enceinte bordelaise.
Étonnant aussi compte tenu de la
ville, où l'emblématique maire, Alain Juppé, natif de
Mont-de-Marsan, est amateur de corridas. On l'a déjà vu sur les
gradins au Plumaçon, à Floirac quand il y avait des corridas, et
ailleurs.
Et puis, cette histoire d'enceintes que
l'on appelle "Arenas", qu'il s'agisse de stades ou de
salles, c'est un contresens à l'origine du terme ! L'arena, en
latin, puis plus tard en espagnol, c'est le sable ! Alors que
justement, tous ces lieux modernes en sont dénués, et n'ont pas le
moindre grain de sable sur leurs surfaces.
En septembre 2006, quand s'arrêtèrent
les corridas à Floirac et que Mehdi Savalli leva l'épée face au
sixième toro de Mercedes Pérez-Tabernero, on n'imaginait pas un tel
abandon à venir.
Ce qui jamais n'aurait dû être
délaissé. Car il n'y a rien d'illégal dans la tauromachie à
Bordeaux, la large jurisprudence et le concept de tradition taurine
abonderaient même dans son sens.
Mais rien. Silence radio. Un "vivons
heureux vivons caché" perdant. La peur de se montrer, sauf
ailleurs. Certes, La Brède a le mérite d'exister à 15 kilomètres
de là, et Captieux persiste au Sud du département. Mais à
Bordeaux, ou dans sa toute proche agglomération, plus rien.
Dans une ville marquée par Goya, et où
existe une "rue de la Course" – ce qui veut tout dire –,
il n'y a plus de toros en 2018.
On ressent la timidité de l'afición
bordelaise si elle devait un jour être amenée à renouer avec la
tauromachie chez elle. La peur de déranger, de passer pour le
viandard de service, alors que la corrida n'a rien à voir avec tout
cela. Et puis personne n'est obligé d'y assister.
Au milieu des innombrables
programmations culturelles, les courses de toros, pourtant, auraient
leur place... et ne feraient certainement pas de mauvaises entrées
quand on connaît le nombre d'aficionados dans cette ville et le
potentiel aux alentours.
Alors on se prend à rêver, en
divaguant, d'une arène portative sur cette gigantesque place des
Quinconces, là même où Nimeño toréa en tant que becerrista dans
sa jeunesse.
Aux Quinconces, ou ailleurs même, au
coin d'une rue, d'un terrain où l'on pourrait ériger une plaza, à
quelques pas des Boulevards ou d'un arrêt de tramway. Dans cette
ville, voir défiler de nouveau des habits de lumières, ce serait
chouette. Pas de soucis non plus pour le calendrier, puisque les
dates traditionnelles des corridas à Bordeaux, au printemps et fin
septembre, seraient toujours libres aujourd'hui, et n'impliqueraient
pas de concurrence.
Là où certains évoquent des
abattoirs à ciel ouvert, qui est une idée reçue et en vogue,
d'autres pensent à la passion, aux cornes, à l'afición, à
l'authenticité.
Dans cette ville aux multiples clubs
taurins, on regrette encore cette Plaza de Goya, cette arène en fer,
de Floirac, au pied des immeubles. Pas loin de là où un aficionado,
Claude Mounic, avait, dans son jardin de Salleboeuf, au début des
années 80, organisé des novilladas. Ce qui avait conduit à un long
bras de fer avec la justice.
Bordeaux et les toros, c'est une
histoire faite d'interruptions. Mais il reste l'envie, certainement
utopique, quasiment impossible, de voir ressurgir une arène à
proximité. Car il y a tout ce qu'il faut, la jurisprudence,
l'afición, des ganaderías et des toreros disponibles.
Alors, penser que cette Arena sera un
édifice sans toros, cela fait songer à tous ces souvenirs et à
tous ces espoirs.
De celui qui prétendra que l'on ne
peut guère grandir à Bordeaux, rêver de toros, d'arènes ou de
lumières, qu'il sache que cette année, fêterait ses 54 ans –
seulement – , un matador natif des bords de Garonne. Il s'appelait
José Cubero "Yiyo".
Florent
(Photo d'archives : Le 15 mai 1949 aux
arènes du Bouscat, avec la rejoneadora Conchita Cintrón au premier
plan. Deux toros de Villamarta étaient prévus pour la cavalière,
et six de Concha y Sierra pour Antonio Bienvenida, Manuel Navarro et
Luis Sánchez dit "Diamante Negro". Cette corrida avait dû
être arrêtée au troisième toro à cause de la pluie)