On perd parfois de vue, à cause de
l'habitude, l'image véhiculée par Céret dans le monde taurin. Il
arrive même que des personnes qui n'y sont jamais allées vous la
rappelle. Céret devrait être une petite arène, ce qu'elle est par
la taille, mais en réputation, elle a une dimension et une
projection qu'il arrive même de ne pas imaginer.
Et pour cela les raisons sont
multiples. C'est une arène à part, catalane qui plus est, avec une
longue histoire, des toros de première catégorie, une musique, la
fidélité d'un public, et l'aspect associatif dans l'organisation
des corridas. Plus simplement, c'est la continuité qui a forgé
cette image de Céret. Des corridas sérieuses dans une si petite
arène, comme l'a encore récemment illustré la corrida de Juan Luis
Fraile de dimanche.
Céret, avec Vic-Fezensac, sont par
ailleurs les deux arènes de la planète taurine où les attentes en
matière de tiers de piques sont les plus fortes. Énormes même,
avec un très haut niveau d'exigence. Et de ce fait, ce qui peut
sembler décevant pour Céret ne le serait pas forcément dans une
autre arène.
C'était le cas samedi avec les toros
portugais de São Torcato. Une aubaine que de présenter cet élevage
en France. Car cela devient de plus en plus rare de découvrir de
nouvelles ganaderías. Six toros, bas de charpentes, diversement
armés, de peu d'intensité en dix-sept rencontres au cheval, et aux
comportements variés. Cela reste un échantillon, une découverte,
et l'on ne peut juger du niveau de l'élevage avec une corrida
seulement. Il y eut tout de même des éléments intéressants dans
ce lot, donnant envie de revoir les São Torcato en d'autres
circonstances. Une corrida qui pose des questions, donne matière à
réflexion, comme l'a été celle-ci, est toujours intéressante. Ce
n'est pas toujours le cas ailleurs et pendant le reste de la saison.
Fernando Robleño a semblé loin de
cette force qui semblait le transfigurer il y a six ou sept ans. Il
est tombé sur un premier toro très noble, et un second largement
armé, mansote, mais noble aussi. Il faut dire que dans l'ensemble,
les toros de São Torcato ont eu cette caractéristique.
C'est Javier Cortés qui est sorti
triomphateur de cette corrida. Le deuxième toro (avec le sixième),
a été le plus intéressant du lot. Un toro bas, armé large, manso,
qui alla au cheval pour quatre rencontres, et se réveilla aux
banderilles en donnant beaucoup de danger. Un adversaire vif et
exigeant que Javier Cortés sut capter, grâce à son toreo
classique, avec la muleta basse et puissante. Il y eut une série
gauchère sensationnelle et beaucoup d'émotion. Un torero sachant
dominer son sujet, et donner beaucoup de relief à base de maîtrise
et de sérénité. Il coupa une oreille indiscutable après une
entière au second essai, l'audace du recibir n'ayant pas fonctionné
en première intention. Face au cinquième, lourd, plus gras que
charpenté, arrêté et manquant de caste, Javier Cortés toréa très
bien avec la cape, et montra encore l'étendue de son potentiel. Un
torero qui compte.
Comme il y eut un peu de tout dans ce
lot de São Torcato, on vit aussi un toro faible et éteint, en
troisième position, même s'il avait auparavant été le plus brave
à la pique.
Enfin, le sixième São Torcato,
charpenté et rugueux, rappela un peu ce que pouvaient être les
toros portugais. Un toro exigeant, tardant à charger, mais qui avait
le mufle au sol lorsqu'il venait dans la muleta. Juan Leal, très
courageux, fut averti d'entrée, puis une autre fois encore. Dans un
numéro de funambule, il aura raccourci trop vite les distances, et
se retrouva sur les cornes lors de deux accrochages impressionnants,
avec la muleta puis au moment d'estoquer. Il semble posséder encore
une marge de progression dans son toreo, et doit évoluer.
Le lendemain, la novillada matinale vit
finalement quatre exemplaires de Raso de Portillo, inégaux, et deux
de María Cascón, lourds et mansos. Angel Jiménez, conseillé de la
barrière par Luis Vilches, put se laisser aller à un toreo
esthétique et relâché devant un très noble Raso de Portillo,
devant lequel il fut en difficultés avec l'épée.
Chez Aquilino Girón, on a vu
énormément de courage, de volonté et d'envie. Un véritable
novillero. Des estocades très engagées. Une oreille et vuelta à
Céret, ce n'est pas rien. On lui souhaite de toute coeur d'avoir un
agenda plus garni qu'il ne l'est actuellement.
Curro Durán, lui, eut très peu
d'options face à deux novillos arrêtés. Il remplaçait Maxime
Solera, le novillero français qui avait connu un grand succès l'an
passé à Céret. Le silence qu'avaient imposé en 2017 ses deux
réceptions à genoux face au toril était encore dans les esprits.
Car que l'on considère Céret de par
sa grande dureté ou de par sa catégorie, on ne peut nier qu'elle
est aussi un tremplin pour ganaderías et toreros.
Florent
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