
À
la recherche d'une afición loyale,
Le
décor était planté. Monumental dite des "Pins", de
Roquefort-des-Landes, une superbe arène en bois d'un peu plus de
3.000 places. Une vieille histoire, et une réputation de dureté.
Avec
le grand mérite de rester à l'échelon des novilladas, quand
d'autres plazas elles se sont tournées vers les corridas. On savait
les jours précédant la course l'extrême sérieux du lot de Conde
de la Maza.
L'affiche
remaniée, les trois novilleros qui s'alignèrent finalement sur la
ligne de départ ne furent même pas invités à saluer après le
paseo. On préfère réserver cela en d'autres occasions, de moindre
adversité, pour des soirées qui ont des gueules de happy end. Cela,
pourtant, aurait dû avoir une répercussion, car c'était déjà un
geste sur le papier.
Il
semblerait aussi qu'une ultra-minorité, hélas, était venue voir le
lion croquer le dompteur. En espérant voir sur le sable de Roquefort
souffler l'air du démon. Pendant l'une des faenas, on pouvait même
entendre un "il mérite de se faire découper", à propos
d'un novillero. Désarmant, affligeant. Qu'une personne seulement sur
1.500 présentes dans les arènes ait cette pensée à l'esprit et en
fasse part est quelque chose de dramatique. Incohérent, injuste et
terrifiant. Cela donne envie de tout arrêter, sincèrement, et de
fermer la boutique.
L'autre
partie du public, espérons-le, était venue voir le courage qu'il
faut pour affronter un lot aussi dantesque, et pour tenter de faire
un pas de plus dans la profession.
On dira bien sûr, et c'est logique,
que n'importe quel toro peut blesser dans l'arène. Mais il s'agit là
de cohérence. Il y a une distinction entre corridas et novilladas.
Elle doit être respectée un minimum. Le tout et n'importe quoi, en
revanche, est inacceptable. La preuve, la semaine précédant cette
course, au fil des discussions, en Espagne, avec des interlocuteurs
aux opinions taurines très variées, de l'intransigeant au plus
doux, aucun ne cautionnait qu'un tel lot puisse être affronté par
des novilleros. L'unanimité, car c'est vrai, c'était exagéré.
Injuste pour les novilleros de passer
sous les fourches caudines d'une partie de l'afición qui n'en vaut
pas la peine.
Il y a eu, en 2016 et 2017, à
Roquefort, des novilladas de Moreno de Silva. Un fer réputé dur,
avec un premier lot très bien présenté et conforme à une
novillada, et un autre plus décevant à ce niveau-là. En gabarit en
tout cas, il s'agissait de novillos et c'est que l'on devrait
retrouver quand est annoncée sur une affiche une course de ce type.
Les Moreno de Silva de 2016 avaient été passionnants, et au
passage, cet élevage est mille fois plus intéressant à voir que
celui de Conde de la Maza.
Aucune annonce ne fut faite hier avant
la sortie des "novillos", pas de pancartes ou d'annonce au
micro, encore moins pour signaler que le réserve combattu en
troisième position provenait de l'élevage français de Turquay.
Quand ils entrèrent en piste, les
Conde de la Maza, qui n'eurent absolument rien de novillos en
présentation et en comportements, furent ovationnés. C'est vrai,
c'était du beau bétail, et c'était impressionnant de les voir
sortir du toril. Mais la place d'un tel lot était-elle vraiment en
novillada ? Ceux qui prétendent le contraire seront rapidement à
court d'arguments. Et prétendre que toutes les novilladas devraient
être comme celle-là, c'est méconnaître complètement la
tauromachie.
Les Conde de la Maza donc,
impressionnants, volumineux, armés, avec quelques pointes abîmées
du fait de bagarres, et plusieurs balafres sur le corps. Pour le
reste, à part deux ou trois poussées au cheval, avec des piques
plus ou moins fortes et appuyées, il n'y avait pas grand chose. Des
comportements figés dignes de toros âgés, un manque de caste
flagrant, et des cornus arrêtés. S'ils étaient ainsi à 3 ans,
qu'en aurait-il été à 4 ou à 5 ? Manso et décasté le premier,
rugueux, exigeant mais de peu de parcours le deuxième, renvoyé aux
corrales le troisième, tardo et décasté le quatrième, décasté
aussi le cinquième avec toujours la tête dans les nuages, et enfin
invalide et totalement figé le dernier. Le troisième bis, de
Turquay, qui ressemblait davantage à un novillo, aux cornes abîmées,
fut lui aussi rapidement arrêté.
Pourtant, plusieurs exemplaires de
Conde de la Maza quittèrent l'arène à l'arrastre en étant
ovationnés comme s'ils avaient été des grands braves. L'afición
la plus torista, souvent, milite pour l'éducation du public,
notamment celui qui va voir des courses de vedettes, mais elle aurait
aussi besoin d'éclairage parfois pour les moins assidus qui se
revendiquent d'elle.
Ce fut dur. Entendre des sifflets ou
des huées, par exemple quand fut accordé un trophée à Kevin de
Luis au quatrième, c'était purement déplacé. Peut-être que dans
un autre contexte, effectivement, l'oreille n'aurait quasiment pas
été plébiscitée, mais là, vu les circonstances, il n'y avait
rien de scandaleux.
Tous les novilleros, à un moment ou à
un autre, ont avancé la jambe.
Kevin de Luis a eu de bons passages à
gauche au quatrième, et dans l'intention a porté une estocade
engagée, même si l'épée termina sur le côté et en arrière.
Aquilino Girón, lui, fut héroïque.
Quite par gaoneras, débuts de faena immobile par le haut, quiétude,
estocades d'une sincérité sans faille. Vuelta et une oreille,
incontestablement l'un des novilleros de l'année.
Pour Maxime Solera, qui connut des
difficultés avec l'épée, ce fut mission impossible, avec le
sobrero arrêté de Turquay et le sixième Conde de la Maza qui ne se
déplaça jamais.
Tous méritent une ou plusieurs autres
opportunités. 48 heures avant le paseo, cette novillada était au
point mort avec les forfaits de João Silva "Juanito" et
d'El Adoureño.
Honneur à ceux qui ont osé faire le
paseo pour défier ce lot de Conde de la Maza.
Mais ce type de course provoquera
toujours des injustices. A une époque, par ailleurs, où les
novilladas et les opportunités pour les jeunes se font de moins en
moins nombreuses. Mais ça, ceux qui braillent dans tous les sens,
sur les gradins, avec plus ou moins des profils de dispensés de
sport, l'ignorent. Pour obtenir le meilleurs des bêtes, certains
diront qu'il y avait juste à baisser la main.
Phrases redondantes et souvent
entendues par le passé, déjà.
Là où hier on jeta la pièce en
l'air, le mérite de ceux qui venaient de s'aventurer en piste était
immense.
Mais qui pour s'en souvenir rien qu'à
l'hiver venu ?
C'est un métier difficile, c'est
incontestable, et les novilladas fortes et sérieuses (sans pour
autant arriver à une telle extrémité) existent, c'est un fait et
une obligation. Mais quand un novillero rencontre le succès avec,
quelle est la finalité et quelles sont les portes ouvertes ? Trop
peu malheureusement.
Des novilladas fortes, des novilladas
de l'effroi, ces dernières années, on peut dire que s'y sont collés
et y ont connu le succès des garçons comme César Valencia, Imanol
Sánchez, Emilio Huertas, Daniel Martín, Guillermo Valencia, et un
paquet d'autres. Après avoir été dans la lumière pour avoir
triomphé dans l'adversité, quelles ont été leurs opportunités en
tant que matadors de toros dans les arènes du coin ? Infimes.
Ils sont allés prendre les courses
dures, mais les efforts, hélas, sont restés vains.
J'ignore si en programmant un lot aussi
redoutable que celui de Conde de la Maza, les organisateurs
désiraient passer pour des chevaliers blancs de l'afición, et
pensant rendre service à la tauromachie. Je ne pense pas, et ne
l'espère pas non plus. Dans tous les cas, ce lot ne passera pas à
la postérité. En revanche, ceux qui sont allés s'y mesurer, dans
les conditions les plus hostiles, ne doivent pas être oubliés, et
auraient déjà mérité le plus grand des respects dès la fin du
paseo.
Florent