Elle est belle cette image du journal
Midi Libre. On y voit Juan Bautista et Sébastien Castella, presque
symétriques, pour un même quite, alors qu'ils étaient novilleros.
C'était un mano a mano.
Plus tard, il y en eut bien d'autres
des "mano a mano" entre ces deux-là, en tant que matadors.
Mais celui-ci est probablement le plus emblématique, car il s'agit
du premier.
Depuis, Juan Bautista et Sébastien
Castella ont mené leur carrière parallèlement, chacun de leur côté,
en toréant tout de même ensemble à de nombreuses reprises. Presque
vingt ans plus tard, on ne peut d'ailleurs pas parler de la carrière
de l'un sans évoquer celle de l'autre. Indissociables.
Dans l'histoire de la tauromachie
française, ils sont arrivés après Nimeño, et après une
génération de toreros des corridas dures : Richard Milian, Stéphane
Fernández Meca et Denis Loré. Ces derniers avaient partagé la même
affiche le jour des adieux de Milian, en 2001 à Floirac.
Il ne viendrait en tout cas à personne
l'idée de comparer ces trois générations, années 80, années 90
et années 2000. Des époques différentes, et les toros aussi.
Cette année, le jour de la corrida
goyesque d'Arles dont il est l'organisateur, Jean-Baptiste Jalabert a
annoncé la fin de sa carrière. Certes, il va encore toréer une
corrida l'an prochain, mais ce sera la toute dernière.
Son parcours a des allures de prouesse,
car quand il était novillero, il passait juste après El Juli, très
en vogue à l'époque. Dans ce contexte, il était difficile de se
faire une place et de se démarquer.
Comme Sébastien Castella, il débuta
très jeune dans le toreo. Juan Bautista connut vite un grand succès,
avec sa sortie en triomphe comme novillero en 1999 à Madrid. Avant
de prendre l'alternative à Arles la même année, et d'enchaîner un
grand nombre de corridas et de succès.
Pourtant, il décida sur un coup de
tête d'arrêter sa carrière en plein pendant la saison 2003... et
pour revenir presque deux ans plus tard.
Depuis, le torero arlésien incarne une
forme presque imparable de régularité, avec énormément de
technique, et une épée redoutable. Pour Sébastien Castella, on
retient surtout le courage, le stoïcisme, et certainement davantage
d'émotion dans son toreo. Alors que chez Juan Bautista, l'émotion,
elle, est plus contenue.
Des styles différents, mais beaucoup
de succès en commun. Jamais deux matadors français n'avaient par
ailleurs autant toréé qu'eux.
Avec une particularité surprenante
dans la carrière de Juan Bautista, celle d'avoir été épargné par
les cornes des toros. Sauf une fois, en toute fin de carrière,
puisqu'il reçut son tout premier coup de corne au mois de septembre
2018 à Logroño par un toro de Victorino Martín.
Depuis quelques années maintenant,
Juan Bautista est empresario des arènes d'Arles, après que son père
Luc Jalabert lui ait passé le relais. Pas encore 40 ans, toujours en
activité dans l'arène, et déjà d'énormes responsabilités dans
l'organisation. À
Arles, mais pas seulement, et sûrement aussi dans d'autres arènes à
l'avenir.
Juan Bautista et Sébastien Castella
ont un palmarès enviable à Madrid. Trois grandes portes, dont une
comme novillero, pour Juan Bautista. Et cinq pour Sébastien
Castella, qui pour sa part est devenu un torero de Madrid il y a
maintenant près de dix ans. C'est l'arène où on l'a vu le mieux
toréer.
Pour Juan Bautista, si on a toujours pu
remarquer sa régularité et sa technique, un aspect froid lui a
parfois été reproché. Mais avec émotion cette fois, certainement
l'une de ses plus grandes faenas eut lieu l'an dernier à
Mont-de-Marsan. C'est la corrida de La Quinta à laquelle aurait dû
participer le regretté Iván Fandiño. Ce jour-là, devant un toro
qui n'était pourtant pas d'une immense bravoure, Jean-Baptiste
Jalabert a déployé un toreo relâché, zen, et en plénitude. Une
faena incroyable, et deux oreilles et la queue. Un triomphe parmi
tant d'autres dans sa carrière, mais en impact et en émotion,
celui-là était vraiment marquant.
Comme reste en mémoire cette novillada
matinale du 15 août 1999 à Béziers. Sous un soleil de plomb. Un
quite des deux novilleros face au dernier Juan Pedro Domecq. Un
présage pour le futur, comme s'il était déjà écrit qu'ils
allaient faire carrière. C'était il y a pratiquement vingt ans.
Ce matin-là, Juan Bautista et
Sébastien Castella avaient coupé trois oreilles chacun. Comme si le
destin n'avait pas voulu les départager.
Florent