"Roca Rey efface El Juli et
Talavante de la carte de Jerez". C'est cette sentence, qui
envoie du bois, que le journaliste Francisco Orgambides érigea en
titre pour évoquer la corrida du 11 mai 2018 à Jerez de la
Frontera.
En voyage, j'aime bien découvrir des
journaux régionaux ou locaux. Là, en l'occurrence, le Diario de
Jerez. Et pour cette corrida, un titre puissant, venant refléter
parfaitement ce qui s'était passé en piste.
Jerez est une arène de deuxième
catégorie, tout aussi secondaire sur le calendrier entre les
rendez-vous de Séville et de Madrid. Mais comme cela arrive parfois
pour certaines corridas qui paraissent sans enjeu, on peut tirer des
enseignements.
Ce jour-là à Jerez, les toros de
Núñez del Cuvillo, de modestes gabarits, n'avaient rien
d'exceptionnel. Et les toros destinés à Roca Rey n'étaient pas
spécialement meilleurs que ceux d'El Juli et de Talavante. Pire, par
manque de forces et d'étincelles, ils semblaient davantage tirer
vers le médiocre que le bon. Mais face à une telle opposition, le
torero péruvien est parvenu à réaliser des prouesses, avec talent
et créativité. Certes, Jerez de la Frontera est une arène où le
public peut rapidement s'enflammer, bien plus qu'à de nombreux
autres endroits, mais l'impression était là. Roca Rey souleva
l'arène, coupant quatre oreilles et une queue, et surtout, sortit
seul en triomphe.
Cette corrida, à elle seule, c'était
l'illustration du tourbillon que représente Andrés Roca Rey. Une
évolution très rapide de sa carrière, et la sensation que quelque
chose est en train de changer dans la tauromachie. Comme une nouvelle
époque.
Roca Rey a seulement 22 ans, et l'on
espère qu'il tombera moins dans les travers que les vedettes
auxquelles il semble succéder.
Déjà, en se prêtant au jeu du
"bombo" à Madrid, il affrontera pour la prochaine feria de
San Isidro la corrida d'Adolfo Martín, ce qui est quelque chose de
fort intéressant. Espérons qu'il saura à l'avenir maintenir ce cap
et se mesurer à une certaine variété d'élevages.
Roca Rey est arrivé au plus haut
niveau avec fraîcheur, détermination, puissance dans sa cape et sa
muleta, et aussi en foulant des terrains risqués, en s'exposant
énormément devant les toros.
La tauromachie avait besoin d'un Roca
Rey comme nouvelle vedette. Un vent nouveau. Actuellement, si l'on
met à part José Tomás et le nombre restreint de corridas qu'il
torée chaque année, Andrés Roca Rey est celui qui attire le plus
de monde aux arènes. Et surtout, il met totalement en péril la
hiérarchie établie depuis de longues années.
Florent