La première vérité, c'est celle de
l'arène, réelle, implacable et irremplaçable. Et la première
chose que l'on peut voir d'un homme en piste, c'est sa sincérité.
Déjà dans le choix d'être là et d'avoir décidé de porter
l'habit de lumières. Ensuite, dans la manière d'affronter les
toros.
Ce garçon, c'est Francisco Montero. Et
alors que la tauromachie est faite de beaucoup d'émotions contenues
et invisibles, on a pu le voir pleurer au moins deux fois en piste
cette année. Pas par tristesse ou dépit, mais parce qu'il semblait
heureux d'être là. Sensations brutes. La première fois, à la fin
d'une série avec la muleta à Boujan-sur-Libron, jour de chaleur
infernale, avec un lot gigantesque de l'élevage portugais d'António
Silva. C'est le premier novillo qu'affrontait Montero en costume de
lumières depuis deux ans. C'est dire à quel point il lui paraissait
énorme d'en arriver là et d'obtenir une telle opportunité.
La seconde, c'était au moment de sa
sortie en triomphe à Villaseca de la Sagra, après avoir combattu un
imposant lot de Monteviejo. Encore un autre palier franchi à cette
occasion, au cours d'un été passé à affronter des novilladas
vertigineuses.
En novillada, ce qui prime, c'est
l'envie et la personnalité. Et il est certain que depuis bien des
années, la prééminence des écoles taurines a complètement fait
disparaître ce type de torero, venu de l'extérieur, sans appuis.
Lundi à Saint-Sever, on a assisté à
une journée taurine d'un grand intérêt. Déjà le matin, avec des
novillos encastés de Sánchez-Fabrés et la volonté des toreros à
l'affiche. Andrés Palacios, par son toreo, et Miguel Ángel
Pacheco, par son engagement, se sont le plus distingués.
L'après-midi,
les novillos étaient de Coquilla de Sánchez-Arjona. Et ce n'est pas
une partie de plaisir pour un novillero d'aller affronter dans le
froid de novembre un lot comme celui-là, aussi exigeant, qui permet
peu ou pas d'erreur. La preuve, Francisco Montero et Alejandro Mora
ont tous les deux été soulevés.
Devant
le meilleur novillo de l'après-midi, le deuxième, Alejandro Mora a
réalisé de très beaux gestes, avec profondeur, notamment en fin de
séries, avec des trincheras de grande classe. Hélas, l'épée lui a
fait défaut. Mais ce n'est pas la première fois que l'on pouvait
apprécier la torería de ce novillero.
Ce qui est intéressant en novillada,
c'est de voir des personnalités, des concepts et des parcours
différents.
Francisco Montero avait remis le
costume blanc et argent. De Boujan-sur-Libron, de Madrid, de Peralta,
de Villaseca, d'Arnedo. Il y est allé, comme on dit en espagnol, "a
sangre y fuego". À
sang et à feu. Déclaration d'intentions dès le premier combat avec
un accueil par farol, gaoneras, et pour finir, une larga cambiada à
genoux ! Le Coquilla, difficile et avisé, nécessitait beaucoup de
métier, et il accrocha durement Francisco Montero à deux reprises
pendant la faena.
Quant au troisième novillo, Francisco
Montero alla le recevoir à genoux face au toril, et posa lui-même
les banderilles. Ce novillo avait plus de fond que le premier, et
Montero s'appliqua beaucoup, parvenant même à donner de bons
muletazos de chaque côté. Avec toujours cette incroyable
détermination, celle qui fait avancer les fémorales en terrain
miné.
Elle est belle l'image d'un novillero
sorti de nulle part, le costume abîmé pour la énième fois,
souillé par le sang du toro comme preuve d'engagement, dans la
lumière, à la nuit tombée.
Francisco Montero termina sa faena avec
des manoletinas en remplaçant la muleta par la cape de paseo. Ce qui
n'a rien d'orthodoxe mais nous rappelle qu'en novillada, il y a
toujours eu des suertes sortant de l'ordinaire. L'estocade, d'un
grand engagement, et en gardant ce tissu réduit qu'est la cape de
paseo, avait quelque chose de fort méritoire. Elle fut déterminante
dans la concession des trophées. C'était seulement la dixième
novillada piquée de Francisco Montero.
Et si un jour, un novillero paumé dans
les incertitudes, en plein doute, cherche à rebondir, il pourra
regarder les archives de la saison 2019. Il y découvrira l'exploit
de Francisco Montero, et reprendra espoir.
Florent
(Image de Vuelta a los Toros :
Francisco Montero à Saint-Sever le 11 novembre)