
Les jours précédant la corrida, il
confiait ses intentions dans les colonnes du journal ABC. "Et
si je dois mourir, je mourrai libre !".
Des paroles reprises à titre posthume
deux ans plus tard par son fidèle ami et apoderado Néstor García.
Des mots qui démontrent le choix
pouvant être fait par un torero face à un grand rendez-vous. Deux
options, deux portes : la grande ou celle de l'infirmerie.
Certains ont parfois du mal à croire
ces mots, mais ils sont bien réels.
Iván Fandiño avait de quoi réussir
ce 29 mars. Les arènes de Las Ventas à guichets fermés, et les
près de 24.000 billets vendus sur son seul nom. Un torero au
parcours atypique, qui venait de remporter par deux fois le
prestigieux trophée "Oreja de Oro" en fin de saison en
2012 et 2013, décerné par les auditeurs de Radio Nacional de
España. Symbole d'une régularité dans le succès.
Et puis, il faut dire que Fandiño
avait mis la barre haute dans l'arène en matière d'engagement.
On se souvient d'un mano a mano en 2011
à Madrid avec David Mora où il termina en jean's par dessus son
costume vert et or qui avait bien morflé.
Et puis, la grande porte de la feria de
San Isidro 2014, un grand soir, et un bouquet final avec une estocade
en se jetant entre les cornes.
Alors, ce seul contre six du dimanche
29 mars 2015, s'il fonctionne, la saison peut prendre une sacrée
tournure. Dans les chiqueros attendent des toros de Partido de
Resina, Adolfo Martín, Cebada Gago, José Escolar Gil, Victorino
Martín et Palha, rien que ça !
Au final, le résultat de cette corrida
fut loin de ce dont Iván Fandiño avait rêvé. Il s'était vêtu
d'un costume gris et or. Peut-être avait-il trop songé à cette
corrida avant même de faire le paseo ? Et des doutes ?
L'attente, pourtant, était immense, et
je me souviens d'une discussion quelques mois plus tard avec Antoine
Capdeville, qui faisait partie de l'entourage et de la logistique du
torero. Antoine, issu d'une famille très aficionada et qui va voir
des toros depuis son plus jeune âge, disait n'avoir jamais senti une
telle tension et un tel espoir avant une corrida.
Iván Fandiño avait depuis longtemps
dévoilé ses intentions, en faisant part dans l'arène des
sacrifices auxquels il était prêt pour triompher. Et au-delà de
l'arène, on a besoin de figures comme cela, qui sortent complètement
de l'ordinaire. Cette puissance dégagée a de quoi convaincre et
rendre optimiste.
Cette force donnait à Iván Fandiño
une image de torero invincible. Alors, on a ressenti peine, tristesse
et incrédulité lorsqu'il est parti deux ans plus tard.
Mais il était sans craintes ni peurs.
Florent