Tandis
qu'elle venait à peine de commencer, la saison taurine européenne
s'est arrêtée brutalement le 8 mars dernier. Il y a deux mois. Deux
mois qui semblent être une éternité, mais qui si on les
relativise, à l'échelle du temps, ne sont pas grand-chose.
Entre
temps, on a assisté à une avalanche d'annulations pour l'année
2020. Compréhensible, à cause des normes sanitaires provisoires
étendues dans le temps, du principe de précaution, et aussi du fait
ne pas risquer un budget communication pour une arène avec une feria
dont la célébration serait en suspens.
Toutefois,
il semblerait qu'il soit un sacrilège aux yeux de certains d'oser
penser qu'il pourrait encore y avoir des toros en 2020 ! Pour
quelques uns, perchés sur leurs indéboulonnables convictions : rien
avant le printemps 2021 !
Si
l'actuelle saison taurine est profondément anéantie, il n'est en
revanche pas interdit de s'interroger sur la possibilité de courses
d'ici la fin de l'année civile. Et par ailleurs, il y a encore des
courses en lice en septembre et des reports toujours en vigueur en
octobre, comme Saint-Martin-de-Crau ou Garlin.
Dans
le domaine du sport, sous des formes variées et parfois implicites,
les idées du public sont prises en compte. Il y a même des débats
d'idées et de propositions dans des émissions dédiées comme à la
radio. En tauromachie, on ne peut pas dire que l'aficionado soit
souvent écouté. La moindre idée suggérée est parfois même
considérée comme grotesque et vite écartée d'un revers de la
main. La dérangeante et permanente impression qu'il y a "ceux
qui savent" et les autres. D'ailleurs, c'est quelque chose que
l'on voit hélas souvent au niveau local avec la moyenne d'âge
élevée des décideurs taurins qui n'ont pas voulu partager le
gâteau ou les connaissances avec les plus jeunes.
Il
faudrait pourtant un jour remédier à ce fonctionnement obsolète.
La
temporada 2020 s'est donc arrêtée il y a tout juste deux mois.
Ainsi, qui peut prédire – sans être présomptueux – quelle
situation vivrons-nous ne serait-ce que dans quatre ou cinq mois ?
Alors,
même si cela pourrait paraître bizarre, pourquoi ne pas réfléchir
à se sauver d'une saison complètement blanche ?
Il
serait possible de s'appuyer par exemple – même si d'autres moyens
de financement sont imaginables – sur le budget recueilli par
l'UVTF ces dernières années avec 50 centimes sur les places de
corridas ainsi que sur le prélèvement des cachets des acteurs de
l'arène.
Convictions
personnelles : je suis complètement en faveur d'une réorientation
d'un tel fonds dans ces circonstances afin de répondre au premier
impératif concernant l'afición : qu'il y ait des courses et que la
tradition taurine perdure.
Pour
sauver l'année taurine 2020, on pourrait imaginer des courses
isolées, sans qu'elle n'aient de rapport avec un format feria. Par
exemple de fin octobre à mars, avec des corridas et novilladas. Dans
des arènes couvertes, ou à l'air libre, le dimanche à 11 heures ou
14 heures, en profitant d'une météo pas toujours rugueuse dans les
contrées méridionales à cette saison. Et puis, il y aurait
forcément une solidarité de l'afición et l'envie de voir des
toros.
Cela
pourrait être un coup de pouce pour élevages, matadors et
novilleros français. Sans qu'il ne s'agisse d'un concept de
"préférence nationale", car c'est une notion politique et
le but recherché n'a rien à voir avec cela. D'ailleurs, la
tauromachie ne doit pas faire de politique.
Il
s'agirait plutôt d'une aide au patrimoine taurin français, en
sachant qu'il y a encore des toros et des novillos dans le campo, et
aussi un important vivier de toreros pour les affronter. Combien de
toreros français avec moins de dix ans d'alternative ? Pour ne
parler que d'eux, car il sont assez nombreux.
On
pourrait imaginer un modèle de corridas ou de novilladas avec quatre
toreros différents, accompagnés au total de quatre subalternes à
pied, et de deux picadors, avec à chaque fois une alternance dans la
cavalerie au paseo.
Cela
permettrait de finir sur une bonne note avant de commencer une autre
saison, en permettant de faire participer le plus de protagonistes
possibles, et en sollicitant les professionnels taurins à tour de
rôle. Leur assurer un minimum confortable pour leur participation,
et pourquoi ne pas fixer un cachet identique pour chaque catégorie
de la profession lors de ce type de courses.
Quant
au prix des places, il conviendrait de réfléchir à des entrées
abordables, en tenant compte de l'immense difficulté des derniers
mois pour l'économie. Une entrée générale à 10, 15 ou 20 euros ?
5 euros pour les moins de 25 ans ? Gratuité pour les moins de 18 ans
?
Chercher
l'équilibre et étudier la viabilité de courses de ce type pour
sauver un peu l'année 2020. On peut émettre des critiques, des
réserves, en contredire la viabilité. Mais cela n'a rien de
démagogique. Et si le plus important était de dire que ce n'est pas
perdu et qu'il ne faut en aucun cas s'avouer vaincu ?