On
l'imaginait lointain ce retour aux arènes. De pouvoir enfin
ressentir l'appréhension, la tension, d'une course en habits de
lumières longtemps rangés dans les placards. Dans l'attente de
ressortir au grand jour, comme l'afición.
Et
ainsi pouvoir retrouver plein de petits détails. Il y a dans cette
passion pour la tauromachie quelque chose de magique. Revenir sur les
gradins d'une arène, et être dans le vif du sujet, des sensations
comme si cela ne s'était jamais arrêté.

Je
me souviens d'images de la puissance et de la caste du bravissime
Gañanito d'El Sierro aux arènes d'Arles, qui fit traverser la piste
au picador. Ce toro, brave et dur, avait longtemps été le générique
de l'émission Face au Toril.

Dans
l'élevage de la regrettée Doña Dolores Aguirre, où il y a aussi
une grande part d'origine Atanasio Fernández, on ne compte plus le
nombre de toros et de novillos ayant offert des tiers de piques à
émotion, époustouflants.

Tous
les deux primés, les picadors Adrián Navarrete et Jean-Loup Aillet
n'ont pas volé leurs récompenses à la fin de la novillada après
être parvenus à accomplir deux tiers de piques périlleux.
Quoi
de mieux pour la cavalerie de Philippe Heyral que de fêter son
centenaire avec de tels tiers de piques.
Hommage
aux organisateurs de l'ATB, qui ont réussi à célébrer leur course
lorsque tant d'autres ont renoncé. Une course placée sous le signe
de la ganadería du Comte de la Corte, dont c'est le centenaire cette
année. Un élevage qui sort rarement ces dernières années, et qui
à Beaucaire proposa trois novillos différents mais bien présentés
et sérieux, avec tous un fond de mansedumbre. De par sa mobilité,
le deuxième fut supérieur.
Ce
n'était pas un exercice facile pour les novilleros à l'affiche.
José Cabrera, qui alla face au toril au premier, ne parvint
malheureusement pas à mettre en valeur l'excellent quatrième de
Dolores Aguirre, "Cigarrero", qui prit trois piques,
encasté, et justement ovationné à l'arrastre. Quant au vénézuélien
José Antonio Valencia, la mission était difficile puisqu'il
s'agissait seulement de sa deuxième novillada piquée, un an après
la première dans les mêmes arènes. Son manque de pratique était
logique mais il a au moins le mérite d'avoir figuré sur cette
affiche devant une novillada aussi sérieuse.
Quant
à Francisco Montero, on peut dire qu'il n'a pas menti. Il n'était
pas là par hasard.
Il
y a chez lui cette personnalité hors du commun, ce putain de
courage, cette façon de s'exposer, de se donner à fond. Parfois du
Padilla de début de carrière dans le texte. Padilla est de Jerez,
Montero de Chiclana, dans la même province de Cádiz. A son premier,
du fer du Comte de la Corte, Montero signa deux véroniques et une
demie d'anthologie, pleines de temple. Au cinquième, c'est avec la
cape de paseo qu'il alla à portagayola, pour recevoir le fameux
"Comadroso" de Dolores Aguirre, et pour commencer le combat
avec une étoffe très réduite.
Il
y a chez Francisco Montero, vêtu de son fétiche costume blanc et
argent, une envie débordante. L'envie de transmettre, souvent
excessive mais vibrante, d'aller de l'avant, aussi bien dans les
faenas que dans la façon d'entrer droit avec l'épée. D'ailleurs,
il n'était pas évident de se mesurer à un novillo aussi puissant
et encasté que le cinquième "Comadroso", et de le laisser
venir et naviguer le long des fémorales. Francisco Montero, qui
compte à son actif une petite dizaine de novilladas piquées, semble
vouloir croquer à pleine dents ce rêve de devenir un jour matador
de toros.
Heureux
nous étions à l'issue de cette course d'avoir pu goûter au plaisir
de la multitude de détails d'un après-midi de toros.
Florent